Drame
de Shakespeare, mise en scène de Eric Vigner, avec Bénédicte
Cerutti, Michel Fau, Samir Guesmi, Nicolas Marchand, Vincent
Németh, Aurélien Patouillard, Thomas Scimeca,
Catherine Travelletti et Jutta Johanna Weiss.
Inutile sans doute de rappeler l'intrigue de "Othello"
de Shakespeare même s'il est parfois utile de préciser
que le drame de la jalousie n'est pas la seule thématique
dont se nourrit cette tragédie qui peut, selon l'entendement
et les parti pris du metteur en scène, être grandiose
ou prosaïque.
Eric Vigner, qui signe la scénographie, les costumes
et la mise en scène de l"Othello" à
l'affiche du Théâtre National de l'Odeon précise
ainsi sa démarche "L'étrange travail de mort
qui s'opère dans cette pièce ne sera sublimé
par rien. C'est un désert que l'on voit." Et l'objectif
est atteint : il y a effectivement plus à voir qu'à
ressentir.
Il réussit une scénographie époustouflante
à l'esthétisme affirmé. Soutenus par les
éclairages superbement travaillés de Joël
Hourbeigt, l'imposant décor mobile d'odyssée du
futur avec son double escalier métallique et ses panneaux
hybride de moucharabiehs et de circuits imprimés informatiques
accueille des officiants revêtus de costumes syncrétiques
aux influences géographico-temporelles diverses, de Perceval
le gallois à Barbarella en passant par les derviches
tourneurs et le new fetish, qui évoquent des personnages
d'heroic fantasy.
En revanche, sur le fond, les hommes de chair et de sang de
Shakespeare sont réduits à de belles enveloppes
corporelles, proches des images de synthèse, dépourvues
de réelle humanité qui investissent la scène
comme des personnages de jeu vidéo avec la même
gestuelle symbolique et les arrêts sur image.
Ajouté à l'actualisation sèche du texte
par Rémi De Vos, le jeu désincarné
des acteurs à la déclamation alignée, pour
la plupart, sur la scansion linéaire, sans inflexion,
ni accentuation, de Michel Fau, qui,
en l'occurrence semble tout droit sorti d'un opéra bouffe,
aboutit à un résultat étonnant et détonnant,
exaspérant sur la longueur, qui pourrait laisser accroire
que Eric Vigner s'est trompé de pièce, si l'on
s'en tient à des critères purement dramaturgiques.
Peut être, et sans doute, faut-il adopter une autre approche
pour cerner cet objet théâtral non identifié
en se rappelant que Eric Vigner est plasticien de formation.
Dès lors, le spectateur se trouve face à une installation
dans laquelle sont placés et déplacés des
personnages, sans réelle épaisseur intrinsèque.
Mais ceci est une autre histoire laissée à l'imagination
du spectateur. |