Actrice depuis son enfance, chanteuse du groupe Rilo Kiley, Jenny Lewis s'offre avec Acid Tongue sa deuxième escapade en solitaire. Pop, rock, country, blues et folk se croisent dans un album, qui, pour avoir été enregistré live, n'en manque pas moins d'une certaine urgence.
La guest-presence d'Elvis Costello sur "Carpetbaggers" et le capital sympathie que le son physique et sa voix confèrent à la demoiselle n'y changeront rien : l'album est trop appliqué, trop propret, manque cruellement d'âme. Sans atteindre à la virtuosité, il rassemble de bons musiciens jouant des morceaux exempts de tout défaut majeur, suivant avec efficacité tout un tas de pistes explorées par d'autres sans prendre le risque de s'aventurer eux-mêmes hors des sentiers balisés. Jusqu'à la production de l'album, irréprochable.
Paradoxe d'une certaine perfection, d'où ne ressort au final que l'ennui. Pas même de faute de goût ou de manque d'inspiration flagrant. Juste un rock-fonctionnaire, à ne pas écouter trop fort sur l'auto-radio de son pickup de location rutilant – quand on le fera enfin, devenu quarantenaire, ce voyage dans le sud des Etats-Unis que l'on s'était promis vingt ans plus tôt, à une époque où les ZZ Top n'étaient que tres hombres, et pas un sujet de plaisanterie publique, quand tout le monde avait une idée de qui pouvait bien être John Fogerty.
De bons moments tout de même, mais qui ne font que renforcer la déception de l'auditeur mis en appétit quand ils finissent par se montrer incapables de tenir leurs promesses : amorces d'ambiances avec "Black Sand" ou "Pretty Bird", qui auraient pu être des joyaux d'écriture et de délicatesse ; l'ampleur des presque neuf minutes de "The Next Messiah", qui aurait pu être une pièce épique digne du rock des héroïques 70's ; la chaleur de "Bad Man's World", qui aurait pu être un brulôt de sensibilité digne de Janis Joplin ou d'une P.J Harvey toute première façon ; "See Fernando", qui aurait pu se faire single dansant à la mode revival.
Mais voilà, l'album en restera là : il aurait pu. Et l'on passera son chemin, avec le remord de s'être tant ennuyé alors que ces gens s'appliquaient tant. Comme quand les copains ont l'air si heureux, en fin de soirée, de reprendre ensemble ces vieux tubes de nos enfances communes sur leurs guitares sèches. Et les copains ont au moins le bon goût de ne pas en faire de disque. |