Après deux albums sur-encensés par la presse mondiale (et donc française), Antony Hegarty, par les temps de crise, fait comme le peuple : il s’adapte. En pleine crise du doute et fuite des énergies naturelles, le poupon new-yorkais livre son troisième opus, le disque écologique qui reprend pied avec la terre. Alors quoi, Antony serait-il gaga de mère Gaïa ?
"Her eyes are underneath the ground", premier titre, donne un élément de réponse, à la croisée des divas castrats et du commerce Nature et découverte. Du bois braisé, un woodenship venu d’Europe et un peu plus loin le divin encens qui brûle par tous les pores. Appelons cet exercice la méthode sauna cathartique ; Anthony crie son propre nom tout au long des dix pistes de The Crying Light, où le mot "lumière" est répété plus de raison, à la manière des télévangélistes qui cherchent le regard de l’audience. Et pour convertir l’auditeur, il faudra attendre "Another world", moitié écologique moitié fatale, tout juste humain sur les extrémités d’Antony (ok : ses limites sont larges, NDR).
En prolongeant la philosophie Pitchfork à son apogée (du bon sentiment, aucune chanson au-dessus de 90BPM, no smoke, no drugs), Hegarty livre un album stérile dont les contours peinent à se découvrir. Dépourvu de batterie, centré sur le piano bâillonné à coups de torchon, The Crying Light ne crie que par intermittence, comme sur le – magnifique – "Aeon", monument de beauté épurée. Doo-wop dans le formol, slow dans la tempête. Mixé au EP sorti voilà quelques mois (Another world EP) et son sublime "Shake that devil", l’œuvre récente du gros hybride prend tout son sens.
Ecouté sur la longueur, ce troisième album n’en reste pas moins une stèle inachevée tentant vainement de dénoncer l’injustice d’un monde souillé par les hommes. Paradoxe new-yorkais, c’est un transsexuel qui annonce la changement ("She’s the christ now departing" sur "Epilepsy is dancing"). Preuve que le monde, à l’heure du grand déclin, ne sait plus à quel sein se vouer. |