Pièce
de Jean Anouilh, mise en scène de Nicolas Briançon avec Barbara
Schulz, Robert Hossein, Bernard Dheran, Julien Mulot, Pierre Dourlens, Julie
Kapour, Elsa Mollien, Bruno Henry, Claudia Fanni, Dominique Roncero et David
Loyola
Certaines tragédies vieillissent mal dès lors qu'elles ne sont
pas sous-tendues par un véritable travail de réécriture
scénique et par une interprétation transcendée. Leur
transposition dans le monde moderne devient anachronique sauf à vouloir
à tout prix en faire un exercice de style.
Il en va de même d'Antigone modernisée au siècle dernier
par Jean Anouilh qui a pris, de surcroît, le parti de tout dévoiler
dès le lever de rideau.
Et pourtant, la tragédie de Sophocle, raconte une histoire simple,
bien qu'au sein d'une famille tuyau de poêle dont raffolait l'Antiquité,
qui a nourri des générations d'étudiants en philo .
Créon, roi autoritaire et respectueux des lois et coutumes, s'oblige
à laisser pourrir au soleil la dépouille d'un prince rebelle,
Polynice qui a tué son propre frère pour ne pas partager le
pouvoir. Sa soeur, Antigone, fiancée du fils de Créon, qui est
également son oncle, et fille incestueuse d'Œdipe et Jocaste,
décide, au péril de sa vie, de vivre son destin qui est de s'opposer
à la loi d'Etat qu'elle estime injuste et contraire à la loi
divine, en donnant à son frère une sépulture décente.
Mais, la pièce d'Anouilh, sans nier cet aspect politico-philosophique,
met l'accent sur un thème qui lui est cher, celui de l'attachement
à la pureté de l'enfance face aux compromissions du monde des
adultes.
Et dès lors, le mobile d'Antigone n'est pas celui qu'il paraît.
Princesse orgueilleuse sans espoir de régner, dernier rejeton d'une
famille à l'hérédité chargée, convaincue
de sa supériorité sur les humains, elle se veut investie d'un
destin hors du commun.
Quand Créon lui démontre que son acte est en réalité
dénué de sens, qu'il s'agisse de l'aspect religieux ou affectif,
et qu'elle est vouée à une vie ordinaire, elle n'hésite
pas à se rabattre sur une stratégie subsidiaire. Il faut qu'elle
meure, seul moyen de sceller son destin, quelle qu'en soit la raison. Elle
mourra donc parce qu'elle ne peut se contenter du bonheur ordinaire. "
Moi, je veux tout, tout de suite, et que ce soit entier, ou alors je refuse
".Peu importe également les autres, même ceux qu'elles aiment
, et si son geste sème la désolation et la mort.
Comme dirait un personnage du film "Le goût des autres" :
dans ce cas, il faut aller vivre à Disneyland !
"Antigone va mourir." Dès les premiers mots, les lumières
pourraient s'éteindre, le rideau du théatre Marigny se baisser
et les acteurs saluer ! Car pour la suite, on s'ennuie.
La mise en scène et le décor, dans le genre théatre
de Jean Vilar et fidèles, paraît-il à l'esprit de la création
de la pièce à l'Atelier à Paris en 1944, semble bien
vieillotte et l'hétérogénéité des costumes
(tenues quasi-antiques des femmes, gardes sortis de Men in black et roi en
tenue SS version cuir) n'arrange rien.
Côté interprétation, Barbara Schulz se démène
et Robert Hossein a vieilli comme son jeu. Reste Bernard Dhéran qui
interprète à la perfection le rôle du Chœur et nous
enseigne la différence entre le drame et la tragédie ! |