Un matin, dans un petit
café du 12ème arrondissement. Charles Ardillon boit
tranquillement son café. Charles Ardillon, le grand brun
des Monty Python Flying Circus. Heureuse coïncidence. Abordage
de l’acteur qui répond fort aimablement à une
demande d’interview.
Chatelet. Brasserie rococo. Charles Ardillon, yeux de velours et
sens de l’humour et de l’auto-dérision, se prête
au jeu de l’interview et inaugure cette série d’interviews
avec la bande de comédiens qui ont donné vie en France
aux sketches des Monty Python.
Bonjour. J’ai un parcours un peu particulier. Je
suis fils de paysan. Je viens de l’Allier. J’ai fais
un CAP de menuisier à Saint Amand Montrond. J’aimais
dessiner et j’ai pris des cours aux Beaux arts à Bourges.
Mon prof de dessin m’a indiqué que je pouvais réunir
les deux dans le métier de scénographe et que je devais
faire l’école de la rue Blanche. Je suis monté
à Paris et j’ai tenté le concours. J’ai
baratiné mais ça n’a pas réussi. Comme
je ne voulais pas quitter la capitale, ville qui me plaisait, j’ai
croqué Paris, j’ai passé le concours d’entrée
à l’école Boulle et j’étais dessinateur
ameublement style et contemporain.
Ensuite, je voulais retourner à l’école de la
rue Blanche et j’ai réussi le concours constructeur
de décor. J’y ai passé trois ans tout en étant
machiniste au théatre de l’Atelier. A force de voir
les comédiens, j’ai eu envie de jouer la comédie
et trois amis m’ont préparé au concours de la
rue Blanche. J’ai surpris et je me suis surpris. J’étais
peut être moins traqueux que les autres et j’y suis
allé au culot. J’étais une nature et je sentais
moins la pression. Sur mille candidats, ils en prenaient 60 puis
30. J’ai fait partie des 30.
J’ai eu deux très bons profs. Gérard Lartigau
qui m’a donné vraiment envie de faire ce métier
et Xavier Marches qui était au studio de Stains. Je suis
resté deux ans. J’ai donc passé cinq ans à
la rue Blanche et je la connais bien. J’ai lié des
connaissances avec des profs qui étaient contractuels et
pas mal joué Jean Louis Bauer, Geneviève Rosset. Mais
avant les Monthy Python j’ai eu deux ans de galère.
Je faisais des radios, des dramatiques à France Culture,
des voix off mais c’était dramatique. Et puis c’est
reparti.
Justement, comment vous-êtes vous trouvé
associé à l’entreprise des Monty Python ?
Grâce au fait que j’ai joué
dans un spectacle de Thomas le Douarec "Le dindon"
(NDLR : le metteur en scène des Monty
Python) un spectacle très rockn’roll
qui s’est joué deux ans au théatre La Bruyère
puis au théatre Tristan Bernard. C’est là que
nous avons rencontré Rémy Renoux, le producteur du
spectacle, qui s’est occupé de la tournée du
dindon et qui connaît très bien Michael Palin et Terry
Gilliam que nous avons rencontré au Palais des Glaces.
Et les autres comédiens ?
C’étaient tous des gens qui se connaissaient.
Car il faut dire que nous avons eu un mois pour monter le spectacle.
Et on ne savait pas ce que cela allait donner car nous nous attaquions
quand même à la Bible, la bible des Nuls, la bible
des Robin des bois…Ce court délai imposait que les
gens se connaissent pour qu’il n’y ait pas de prise
de têtes. Je connaissais Philippe Vieux depuis la rue Blanche,
Yvan Garouel avait joué avec Le Douarec et connaissais Grégoire
Bonnet avec qui il avait joué dans Vol au dessus d’un
nid de coucous avec Le Douarec. Marie Parouty connaissait Grégoire
avec qui elle avait joué et je le connaissais également
depuis le dindon.
Vous n’avez joué qu’en France
?
Oui. Avec le 1 on a eu un gros succès et des
articles dans la presse
Pourquoi un 2 ?
C’était un pari du producteur. Eric Savin
a remplacé Philippe Vieux. Nous sommes allés jouer
en Angleterre en français sous-titrés et ça
leur a plu.
Vous avez tout de suite donné votre accord
?
Je voulais voir. Parce que cela avait été
joué auparavant par des suisses. Je les ai vus en cassette
et il y avait des sketches qui avaient vieilli et c’était
vraiment terrible. Après, il fallait que je me projette dedans.
Les texte ont parfois été dépoussiérés
et même Terry Gilliam a parfois été étonné.
Parce que eux ne jouaient pas, ils étaient eux.
Quel est le plaisir ?
C’est un texte magnifique. Il n’y a pas
à forcer. Il y a juste à y mettre un peu de jus, de
pêche parce que c’était des sketches télévisés
plus tributaires de l’ambiance. J’ai d’ailleurs
acheté le DVD des sketches originaux. La voix off est vraiment
horrible. Mais sinon, on voit que certains sketches ont été
finalisés. Et puis les sketches sont un lien entre eux. Il
y a une continuité. Par exemple avant les démarches
ridicules, il y a le sketch sur l’administration. C’est
vachement bien.
Les partitions sont intéressantes car il
n’y a pas que du texte ; il y a du mime, du comique, de l’expression
corporelle
Il faut des natures pour jouer ça. Des comédiens
un peu trash, un peu underground
Comment ont été réparti les
rôles ?
Pour le 1, le metteur en scène a fait la distribution
des rôles. Pour le 2, nous avons tous lu les textes et les
choix sont ensuite intervenus. J’ai souffert sur le 2 parce
que la première mouture faisait 2h10 et on a coupé
6 sketchs. On m’a coupé 6 sketches. Ça fait
partie du jeu bien sûr mais je suis déçu parce
ce qu’il restait pas forcément ceux qui m’éclatent
le plus. Le choix du metteur en scène s’est porté
sur les sketches les plus télévisuels et ça
ne passait pas faute de support vraiment adaptés. Marie a
souffert aussi de ces choix. Dans le 1 elle est le fil conducteur
alors que nous sommes 4 pantins.
Vous avez joué en alternance les deux spectacles.
Il s’agit d’une exercice difficile ?
Très difficile parce que dans un spectacle
on trouve ses marques. Or ce sont des spectacles où il y
a beaucoup de rythme et de changement de costumes par exemples.
Les conduites faisaient trois mètres de long.
Tout était cadré. Donc pas d’improvisation
ou de changement de rôle ?
Non mais on pourrait changer de rôle. Mais c’est
compliqué. Pour moi le 1 les changements de costume c’était
l’horreur. Mais on trouve des astuces. Les 15 premiers jours
c’est l’horreur. Il faut trouver le rythme et en même
temps il faut se concentrer. Au début, on n’est pas
dans le jeu mais dans l’anticipation du sketch suivant. Il
faut un mois pour que cela tourne. Il faut pas être mou.
De toute façon, nous sommes toujours border
line. On ne peut pas jouer pendant un et demi toujours de la même
manière à la virgule près. Et c’est cela
qui est excitant. Il se passe toujours des choses que le spectateur
ne voit pas et qui amène des situations parfois extrêmement
drôles. C’est une trilogie le spectacle : la salle,
les acteurs et la technique.
Le Monty Python 2 est moins musical au sens où
il y a moins d’intermèdes musicaux.
C’est le choix du metteur en scène et
puis il fallait quelque chose de complètement différent.
D’autre part, le 2 a été monté en treize
jours.
Ça dû être difficile.
Oui, on jouait le soir, on répétait
la journée. Un travail fou.
Avez-vous quand même le temps de voir la réaction
du public ?
Pas les 15 premiers jours. Après oui, on sent
s’il faut mettre un peu plus de jus. Mais il faut pas confondre
rythme et précipitation. Le rythme c’est une musique.
La réactivité du public est très variable.
Il semble y avoir des projets de représentations
en Angleterre
Il y a effectivement des pourparlers pour une trentaine
de représentations à Londres dans un autre format
de 1h15. En Ecosse, nous avons donné des représentations
de 55 minutes pétantes, le temps de boire une pinte. Et 55
minutes après le début du spectacle le rideau tombait
net. Pour jouer sur Londres avec sous-titres français parce
que c’est une curiosité culturelle pour les anglais.
Et on apporte quelque chose de différent à ces sketches.
Terry Gilliam nous a intronisé sur scène, les fesses
à l’air
Pour quelle période ?
Rien de déterminé pour le moment. C’est
une question de production.
Et à Paris, pour le moment c’est fini
?
Oui.
Une tournée peut être ?
On va sans doute reprendre au festival d’Avignon
si Avignon existe encore, puis il y aura une tournée.
Quel est et sera l’impact de ces interprétations
dans les Monty Python sur la suite de votre carrière ? En
d’autres termes, le rôle ne vous collera-t-il pas trop
à la peau ?
Non. Je ne pense pas parce que le spectacle n’a
pas eu non plus un succès médiatique énorme.
Mon nom reste peu connu. Et si on me connaît c’est plus
par les rôles antérieurs, dans du vent dans les branches
de sassafras ou le dindon. Pour les médias comme la télé
ou le cinéma, il me semble que nous ne sommes pas considérés
comme des comédiens à part entière. Faire rire
n’est pas considéré ou reconnu de la même
manière que la tragédie. Par exemple, il n’y
a pas de César ou de Molière du meilleur comique.
Alors qu’un acteur comique peut provoquer de l’émotion.
Dans mon rôle de l’accusé je pleurais vraiment
et je touchais les spectateurs.
Peut être aussi que les Monty Python qui est aussi une histoire
de potes nous a un peu piégé aussi, notamment par
le titre du spectacle. Si on l’avait appelé "le
serpent de Bernadette" avec en tous petits caractères
tirés des sketches des Monty Python, tout le monde aurait
trouvé ça génial.
Avez-vous envie de continuer dans ce créneau
un peu trash et iconoclaste ?
Oui, parce que déjà de nature, je suis
différent. Et le spectateur français n’est pas
curieux.
L’équipe des Monty Python va-t-elle
faire se réunir pour un autre spectacle complètement
différent ?
Avec Marie (Parouty) et Grégoire (Bonnet),
oui sans doute car cela fait quatre spectacles que nous jouons ensemble.
Nous sommes des amis car nous sommes différents mais nous
avons le même univers.
Et votre public ?
Le public en général est honnête.
Quand c’est bon, il est présent. Et puis les Monty
Python ont de nombreux fans en France. Ils ont quand même
un vrai talent autant ensemble qu’individuellement. Michael
Palin a une émission du genre Ushuia, Eric Idle est un historien
spécialiste du Moyen Age, Terry Jones monte "Spamelot"
à Broadway et Terry Gilliam va réaliser un film sur
les contes de Grimm.
Avez-vous d’autres projets maintenant ?
Non. J’ai acheté huit répondeurs
pour canaliser les appels, je prends l’avion dans quelques
minutes…(sourire) Non, non. Les professionnels ne nous contactent
pas peut être parce qu’ils pensent que nous sommes déjà
très sollicités. Cela étant je crois à
ce que je fais, à mon style de jeu et à la durée.
Une carrière se fait sur la durée, avec des hauts
et des bas. Un jour les rencontres se font. Je reste confiant. |