Que de chemin parcouru pour Oxmo Puccino depuis 1997, le collectif Time Bomb, et le mythique "Pucc fiction" en duo avec un certain Booba, à l'époque au sommet de son art au sein de feu Lunatic.
Oxmo fait partie de ces rappeurs dont l'écriture et le flow sont loués par ses confrères, tous enclins à dire que ce monsieur n'est pas reconnu à sa juste valeur. Peu reconnu par le public rap traditionnel, peut-être trop avide de bling bling pour se retrouver dans des textes prenant de plus en plus de hauteur. Peu reconnu par le milieu musical généraliste peinant à s'intéresser au hiphop hexagonal et ses lyricistes.
Il a donc fallu attendre 2006 et son projet Lipopette Bar avec les Jazzbastards pour qu'il puisse enfin recevoir des éloges extérieures au microcosme hip-hop. Ce projet, véritable polar auditif, de part son homogénéité, se laissait tellement écouter d'un seul tenant qu'une seule piste aurait presque suffit pour se laisser porter par l'écriture cinématographique du Monsieur. Au-delà du retour aux sources en 2007 avec sa mix-tape Réconciliation, les collaborations avec Anis ou Sixun ont confirmé que le bonhomme était mûr pour d'autres rencontres musicales.
Bref, Oxmo était attendu pour la sortie de ce cinquième opus. Quelle allait être la direction prise par l'artiste pour son Arme de Paix ? Retour aux machines et au hip-hop pur et dur ? – on en doutait – "Suite" du projet Jazzbastards avec la même recette du film audio ? – c'eut été redondant – alors quelle suite à donner ? Eh bien ni l'une, ni l'autre, Oxmo nous surprend encore.
A la première écoute, certains seront déçus et d'autres rassurés par le fait que musicalement, l'album soit tout de même plus accessible que le précédent. Les Jazzbastards Vincent Taurell, Vincent Taeger et Ludovic Bruni, qui ont à nouveau composé les trois quarts des titres, ont su donner une couleur globale à l'album tout en délivrant des titres hétérogènes. Au fil des écoutes, du soul-esque "Partir 5 min", avec Sly Johnson, (autre émigrant du hip-hop), au duo Brel-esque "Sur la route d'Amsterdam" avec Olivia Ruiz, on saisit mieux les subtilités des compositions épurées des 3 compères permettant une mise en scène résolument groovy des fabuleux textes de notre narrateur.
Car n'ayons pas peur des mots, ce cinquième album démontre, si cela était encore nécessaire, qu'Oxmo Puccino est bien un grand auteur contemporain, dépassant, de loin, le cadre auquel nous ont habitués non seulement les rappeurs ou slameurs mais aussi les auteurs de rock, folk, variét' ou autres chanteurs à textes. Les divers thèmes abordés, parmi d'autres : les classes populaires dans "Soleil du Nord", ponctué d'un clin d'œil à Aznavour ; les rapports hommes - femmes dans "Les Unes, Les Autres", jusqu'à l'intimiste (voire personnel ?) "J'te connaissais pas", le sont toujours à l'aide d'une écriture imagée, tendre et drôle à la fois nous laissant rêveurs, emportés par la poésie. L'album se conclut par le brillantissime égotrip "Masterciel" et le mélancolique "L'un de nous deux" nous plongeant dans une sombre histoire de duel.
Vous l'aurez compris, cet album pourrait être celui de la consécration d'une oeuvre (même si l'on souhaite que celle-ci se poursuive). Du Black Mafioso d'Opéra Puccino au Black Popaye de Lipopette Bar, Oxmo n'a dorénavant plus besoin de se cacher derrière un personnage pour que l'on reconnaisse (enfin) son immense talent. En partie boudé par le public hip-hop pour son virage jazz, confidentiel dans ses collaborations, Oxmo nous offre une formule à mi-chemin qui risque fort, aux regrets de certains, de voir consacré par le grand public, un artiste qui aura su exporter son art hors de ses bases. |