Certes, l'amateur de hip-hop a toujours été friand de nouvelles sonorités. Mais il faut avouer que ces derniers temps, la multiplication des sons de plus en plus synthétiques et électro ainsi que la surexploitation de l'autotune, n'ont pas toujours été de bon aloi… Sans tomber dans la nostalgie des 80's et des 90's propre aux puristes (voire intégristes) qui refusent d'écouter tout ce qui est sorti après l'année 2000, il faut reconnaitre que lorsque l'on a l'occasion de retrouver les bases, à savoir, une boucle, une ligne de basse, des scratchs, et des cuts, comme c'est le cas avec The Layover EP d'Evidence, on ne regrette pas d'avoir suivi le hip-hop dans le XXIème siècle.
Le natif de Los Angeles, Michael Perreta de son vrai nom, d'origine portoricaine, italienne et russe (rien de moins), s'est fait connaître à la fin des années 90's avec ses acolytes RaaKa Iriscience et DJ Babu des Dilated Peoples en criant à la face du monde que l'on pouvait faire autre chose que du Gangsta Rap en venant de L.A, notamment avec leur excellent premier album The Platform sorti en 2000, devenu référence de l'underground californien. Après plusieurs albums réussis avec les Dilated Peoples, notre lyricist au slow flow s'était déjà essayé avec succès, en 2007, au solo avec son Weatherman déjà fort intéressant.
Alors que son prochain album devait être Cats and Dogs, courant 2009, c'est en tournée avec le compositeur Khrysis qu'Evidence avait décidé de sortir gratuitement les 5 morceaux produits par ce dernier. Finalement, on a le droit à une vraie galette de 10 titres où l'on retrouve les fameux morceaux de Khrysis mais aussi de Sid Roams, de Babu, d'Evidence lui-même et de l'inévitable pote de L.A : The Alchemist.
Comme l'indiquent la pochette et le titre, Evidence nous emmène en escale à L.A. et nous met dans le bain avec ce bruitage de début d'album qui débouche sur le titre éponyme. L'entrée en matière réalisée par Khrysis peut s'avérer surprenante par son aspect très contemporaine mais les scratchs de DJ Revolution présents tout au long de l'album viennent nous rappeler qu'il s'agit bien d'un album d'Evidence. C'est sur le second titre qu’il nous transporte définitivement dans son univers avec ce "For Whom the bells tolls" dédié à ses potes disparus sur lequel il est accompagné de Phonte, BLue et de (surprise !) Will.I.Am.
Malgré la multitude des compositeurs, on ressent une vraie cohérence dans la disposition des titres sur cet album et Evidence démontre à nouveau que l'on peut rapper (relativement) lentement et de manière intelligible (même pour nous français) tout en déployant un flow des plus envoûtants, notamment sur le "Solitary Confinement" où planent la solitude et la mélancolie.
L'écoute nous amène alors à une des bombes de cet album, avec un sample soul venu des sixties sur "Don't Hate" qui donnera des torticolis à certains. Les diverses interludes reprenant le fil rouge de l'escale, dont l'hilarante réservation de billet que je vous laisse découvrir, permettent de reprendre ses esprits, pour atterrir sur le morceau taillé pour bouncer : "Far Left", brillant ode à "l'autre côte ouest" du rap américain, la Left coast, sur une très bonne prod – et en compagnie de – The Alchemist et le jeune poulain Fashawn. On pourra presque regretter la présence du "To be determined" et de ses synthés omniprésents, mais la clôture, "Cold weather" ravira les fans des compositions sonores des Dilated Peoples avec ce bouquet final de scracths.
Bref, pour sa deuxième sortie solo, Evidence nous livre un beau condensé de ce que peut être le hip-hop du XXIème siècle avec des recettes du XXème. On apprécie particulièrement la présence massive de scratchs et de boucles comme dans les projets de Dilated Peoples et le Flow fluide et agile d'Evidence qui nous prouve qu'il n'y a pas besoin de caser 10 000 mots par minute pour faire un bon rappeur.
On attend donc avec impatience son passage à l'Elysée Montmartre le 17 mai prochain en compagnie de son compère The Alchemist qui nous permettra de juger ce que donne cet album en live, mais aussi délivrera – certainement – un aperçu de leur prochain projet commun : Step Brother qui devrait, lui aussi, être dans les bacs courant 2009. |