Mercredi 8 avril – avis à la population – j’ai perdu mes oreilles au Fil. Si quelqu’un les retrouve, merci de les déposer à l’accueil. Ce sont des oreilles normales, ni trop grandes, ni trop petites… Elles ne sont pas terribles terribles, mais elles me servaient bien… et puis on s’habitue à force.
Remarquez, je dis "perdu"… mais on me les a peut-être bien volées ! Vous savez ma p’tite dame, en cette période de crise et de recrudescence de l’insécurité, on ne sait jamais. D’ailleurs, maintenant que vous me le dites, en début de soirée, au moment où elles ont disparu, il y avait deux jeunes. Ils étaient là sur scène. Deux jeunes de moins de vingt ans. Ça ne m’étonnerait pas qu’ils y soient pour quelque chose. Z’étaient pas nets ces deux là : cheveux gras, vieilles chemises de bûcheron à carreaux… Et puis… des étrangers… enfin presque : des belges ! Des grunges belges ! The Black Box Revelation.
The Black Box Revelation, un concept guitare/voix - batterie qui a su s’imposer en Belgique. Véritable révélation de la scène rock en 2007, le duo a été repéré par Eagle Of Death Metal, puis a suivi dEUS pendant toute leur tournée de 2008 et part sur les routes en 2009 avec Ghinzu. Un parcours formateur pour ce jeune groupe qui enchaîne les dates, et peaufine son show.
The Black Box Revelation nous a offert une performance dynamique et honorable, rien de terriblement novateur, mais une véritable puissance scénique. C’est très rock et… très rock. On peut le regretter, car quand ils osent quelques détours en regardant ailleurs, alors leur musique prend un caractère beaucoup plus noble et on se surprend à la regarder différemment. Ce fut, par exemple, le cas pour le morceau "Never Alone Always Together" qui flirte avec le blues et malgré un son grunge, semble touché par la grâce.
Le show a été globalement sans surprise mais plein d’énergie. Les deux musiciens se sont pleinement donnés et il faut les encourager pour leur laisser affronter la plus lourde difficulté de la jeunesse : durer et se bonifier.
En tout cas, The Black Box Revelation avait suffisamment duré ce soir pour que je perde – avis à la population – mes oreilles au passage, ce qui m’ennuyait fort car l’arrivée de Ghinzu se faisait imminente. La salle, dans une configuration accueillant 600 personnes, recevait ce soir des amateurs de toutes la région. Ghinzu était attendu de pied ferme à Saint-Étienne.
Laissant traîner l’acouphène – j’avais fais une croix sur l’espoir de retrouver mes oreilles – je comprenais que beaucoup de fans des deux premiers albums n’étaient pas complètement convaincus par l’album Mirror Mirror sorti quelques jours plus tôt. Ghinzu avait, en effet, durablement marqué la scène rock internationale avec Blow en 2004, un album fort et puissant, qui porte la marque des grands comme Radiohead ou Muse, tout en se forgeant une identité propre qui a conquis son public.
Le nouvel album fait la part belle aux riffs électro et prend un nouveau virage qui pourrait surprendre ou décevoir.
Le concert a débuté par une lente montée en puissance, accueillant l’entrée du charismatique leader John Stargasm dans un moment de tension musicale extrême, que sa voix puissante et attendue est venue sublimer.
Heureusement – avis aux chiens d’aveugles – je n’avais pas perdu mes yeux, et j’en ai pris plein la vue.
Un jeu de lumière impressionnant accompagnait chaque morceau. Ghinzu souhaitait que chacune de ses chansons soit comme un conte (Miror miror suis-je la plus belle ?), la lumineuse performance de cette mise en scène par l’éclairage le permet en partie. Le spectateur est capté par ses vagues hypnotiques, se laissant glisser sur les montées et les cassures musicales, dodelinant sur des riffs psychédéliques.
Malheureusement, au bout de quelques morceaux, il y a vraiment des soirs où rien ne va, j’ai aussi perdu dans la foule – avis aux lunatiques – mon enthousiasme. Je n’ai pas osé demander de l’aide à mes voisins de fosse qui visiblement, aussi tête en l’air que moi, semblaient bien en peine de retrouver le leur…
Finalement, passée la bonne surprise de départ, cette grosse machine semblait avoir du mal à décoller. Il faudra attendre la deuxième moitié du concert pour que les morceaux du deuxième album viennent de nouveau électriser la foule : "The Dragster-wave", "21st Century Crooners", "Do You Read Me ?" et quelques titres bien sentis du dernier opus : "Take it easy", "Kill the surfers".
Le concert se terminera finalement de belle manière avec un rappel plein de vie et un "Mine" franc et percutant. Les musiciens quitteront la scène les uns après les autres ne laissant au public qu’une boucle électro qui tourne comme un écho du concert achevé.
Cette fin qui n’en finit pas, finit par contre – avis aux littéraires – par me faire perdre mon latin. Heureusement, un technicien traverse la scène pour commencer son boulot de technicien et fait signe de rallumer les lumières, de rentrer chez soi et d’arrêter de taper des mains parce que c’est fini et que quand même il est tard et qu’il a du boulot pour tout ranger !
N’ayant finalement pas perdu mon sens de l’humour, je savoure cette fin en queue de poisson qui capture le public dans ses traditionnels applaudissements de fin de concert, en lui donnant à voir son propre reflet, Ghinzu étant sorti du miroir, il est maintenant vide face à nous…
Ce mercredi 08 avril, au Fil – avis à la population – j’ai perdu mes oreilles… pour quelques jours, mais croyez-moi – avis aux rabat-joie – à l’heure du bilan, c’est certain, je n’avais pas perdu ma soirée ! |