Tragi-comédie
de Jean Anouilh, mise en scène de Catherine Van Hecke,
avec Sylvie Mauté, Anna Jahjah, Jack Gallon et Alain
Pretin.
"Monsieur Barnett" va chez son coiffeur attitré
depuis dix ans. Sous les lumières crues du salon de coiffure,
entre les caquetages du coiffeur et de la manucuriste, le portrait
de Monsieur Barnett se dessine en creux.
D'origine modeste, devenu un homme d'affaires rusé,
l'argent lui a ouvert toutes les portes et les bras de toutes
les femmes et il suscite l'admiration forcée et craintive.
Mais aujourd'hui, il semble absent, peut-être déjà
ailleurs, avant d'être atteint d'un accès d'éructations
dadaistes, submergé par les bouffées de réminiscence
de "sa" scène originelle.
Dans cet univers du quotidien le plus prosaïque, Jean
Anouilh instille poésie, cruauté et humour, un
triptyque détonnant, pour traiter de ses thèmes
de prédilection, notamment l'amour impossible et l'aboutissement
dans la mort, à travers des personnages qu'il dissèque
sans aménité. Il lui suffit de les laisser parler
pour qu'ils atteignent tant les sommets du ridicule que du tragique.
Sous la direction de Catherine Van Hecke, l'époustouflant
quatuor de comédiens réussit une interprétation
sans faille, toujours sur le fil du rasoir de la bouffonnerie
et du pathétique : Sylvie Mauté, la manucuriste
pépiante au QI à ras la frange, Jack Gallon, le
coiffeur bel exemplaire de beauf avant l'heure, Anna Jahjah,
délicieuse apprentie rédemptrice et Alain Pretin,
sublime dans le jeu non verbal, qui campe le rôle titre
avec une maîtrise absolue.
Un spectacle totalement indispensable à voir absolument
pour la prestation des officiants et renouer avec le théâtre
de Jean Anouilh que l'on voit trop peu sur scène. |