Comédie
dramatique de Cynthia Mitchell, mise en scène de Audrey
Krief-Dunelle, avec Françoise Guiol, Ombeline de la Teyssonnière
et Alexandre Guégan.
La maladie d'amour est-elle curable ? Est-il possible de trouver
un objet de substitution qui permettra, par un mécanisme
proche de la projection analytique, le transfert sur un autre
du désir, des affects, des sentiments éprouvés
pour s'en guérir, pour lutter contre la souffrance et
se laver de l'humiliation causée par la tromperie et
le mensonge ? Et cet échange ne comporte-t-il pas un
risque de répétition ou d'addiction encore plus
névrotique ?
C'est ce qu'explore, au plus proche de l'intime, dans une réflexion
sur l'acte amoureux et le couple, Cynthia
Mitchell, jeune auteur dramatique américaine à
l'écriture très cinétique, dont la plume,
experte en dialogues ciselés au scalpel, s'est nourrie
du meilleur de la littérature américaine contemporaine,
de Tennessee Williams à Sam Sheppard en passant par ceux
de la Beat generation et John Cassavettes, avec "The
exchange" qui opère une plongée en
apnée dans cette occurrence.
Face à une rivale trop blonde, trop lisse, trop gentille,
incarnée avec sobriété par Ombeline
de la Teysonnière, elle, borderline, toujours
au bord de la rupture, à qui Françoise
Guiol, comédienne bouleversante, alchimique symbiose
entre Delphine Seyrig et Kim Basinger, apporte la subtilité
dans la fragilité et la détresse tragique. Lui,
personnage insaisissable, manipulateur-manipulé, superbement
incarné par Alexandre Guégan
au charme vénéneux et ambigu de Marlon Brando
dans ses grands rôles.
Entre les deux, autour d'un pacte qui navigue entre dérive
existentielle et domination érotique, la sarabande des
corps, la quête de l'étreinte originelle et l'érotisme
du désespoir que Audrey Krief-Dunelle
orchestre de manière époustouflante.
Cette dernière a effectué un remarquable et vrai
travail de mise en scène et de scénographie réussissant,
de plus, quasiment l'impossible sur la petite scène du
Théâtre Le Funambume-Montmartre en ménageant
trois espaces scéniques cohérents qui vont se
dilater avec le jeu fascinant des comédiens. Elle réussit
parfaitement le parti pris de l'utilisation de ce qu'elle nomme
"la grammaire cinématographique" pour imprimer
au spectacle une scansion rythmique très précise
qui agit de manière quasi subliminale sur l'imaginaire
du spectateur.
Par ailleurs, elle a fait un choix judicieux et crédible
pour la distribution des deux personnages principaux avec Françoise
Guiol et Alexandre Guégan qui portent superbement ce
huis clos à la fois déroutant et familier. |