Daniel Pennac est un écrivain français reconnu et récompensé. Le prix Renaudot 2007 lui d’ailleurs a été décerné pour son livre Chagrin d’école. Dans ce livre, qui n’est pas tout à fait une autobiographie, ni tout à fait un récit, mais plutôt un relevé d’anecdotes, de flashback, de ressentis, de réflexions, il revient sur son parcours scolaire et professionnel, sur ses années de "cancrerie" et celle de professorat.
Car Daniel Pennac est un ancien cancre qui est "devenu" professeur. Il nous rapporte donc son vécu de dernier de la classe qui s’en est sorti, en jouant avec une certaine forme de schizophrénie : le cancre toujours au fond de lui interpellant virulemment l’écrivain établi pour lui rappeler d’où il vient.
Tout au long de la lecture de ce livre, l’oscillation entre l’admiration que ne manquent pas de provoquer les réussites de ce professeur hors normes, et la question incessante sur le but recherché par l’auteur est permanente.
On referme alors ce livre sur un sentiment ambivalent :
Oui, il y a de bons profs et de bons élèves, mais aussi des mauvais dans les deux camps ;
Oui, les programmes ont évolué, les "grands auteurs" n’ont plus la cote, le respect qui est dû à Montesquieu a disparu ;
Oui, la société est devenue une société d’information fast-food, vite avalée, vite digérée, encore plus vite oubliée ;
Oui, les enfants sont devenus des consommateurs et des clients, qui portent des N, ou des L, mais qui ignorent qu’en fait ils portent tout simplement des pull-overs, des chandails, des tricots et des chaussures...
Bref, tout a changé depuis sa propre scolarité et ses débuts professionnels dans les années 1970, le contraire en aurait été étonnant.
L’ambivalence entre l’auteur et son métier se pose également, tant son expérience professionnelle est omniprésente. L’écrivain semble s’effacer devant le professeur lorsqu’il nous applique les principes et méthodes qu’il a utilisés avec ses élèves, émaillant son discours d’extrait de Rousseau ou d’Alphonse Daudet, de citations, de cours de grammaire et d’orthographe.
Les questions comme "A qui s’adresse ce livre ?" ou "Qu’est ce que son expérience apporte ?" restent en suspens.
Peut-être les aficionados de Daniel Pennac apprécieront-ils de connaitre un peu mieux leur auteur favori, et souriront aux anecdotes et bons mots, comme celui qu’eut son père en septembre 1968 : "il t’aura fallu une révolution pour la licence, doit-on craindre une guerre mondiale pour l’agrégation ?"
Peut-être les professeurs en poste apprécieront-ils les conseils d’un vétéran qui, bravant les directives officielles du ministère et les desiderata des parents, a osé faire faire des dictées et imposer des récitations – 1 texte par semaine tout de même…
Peut-être les anciens cancres qui sont "devenus", apprécieront-ils les réminiscences de ces pénibles années d’école. Les cancres actuels auront-ils accès à ce témoignage ? Leur fera-t-il prendre conscience que leur état est peut-être temporaire ? Que d’autres vivent ce qu’ils vivent ?
In fine, que retient-on des faits d’arme de Monsieur Pennac dans cette pseudo autobiographie ? Son budget Carambar ? Ses anciens élèves qui, le reconnaissant dans la rue, lui expriment toute leur gratitude, ce qui lui permet d’exhiber une certaine forme de fausse modestie ? Son obstination à vouloir défendre tous les élèves et les dédouaner de leur état par la mise en cause du professorat ? L’éloge de quelques professeurs qui ont su lui transmettre leur passion ? Est-ce là, toute la morale de cette histoire ? |