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Interview  (Par mail)  juillet 2009

Né à Quimper en 1967, l’écrivain homosexuel Laurent Herrou est, à l’instar de Erik Rémès, l’un des auteurs révélés par la collection dirigée par Guillaume Dustan, Le Rayon.

Après avoir donc débuté par un premier roman intitulé Laura (2000), il a poursuivi sa carrière paraissant chez H&O en 2003 (Femme qui marche) et chez Publie.net en 2007 (Je suis un écrivain). Bref, dans le cadre d’un questionnaire envoyé par mail, il nous livre un certain nombre de clefs sur son œuvre, le travail d’écrivain et sur cette personnalité un peu oubliée aujourd’hui, William Bénarès, plus connu sous le pseudonyme littéraire de Guillaume Dustan.

Avant d’être l’auteur de Laura, Femme qui marche et Je suis un écrivain, quel a été votre rapport à l’écriture ?

J’ai commencé à écrire dès l’enfance. Je me souviens d’un cahier à spirales et d’une chambre en Bretagne, du personnage principal du scénario que je voulais écrire. Elle s’appelait Pearl, avait les yeux vairons et les cheveux roux. C’était une histoire de perte et de reconstruction : on tuait ses parents sous ses yeux et elle se vengeait. J’avais été très impressionné par Duel au soleil de King Vidor et le personnage joué par Jennifer Jones, Pearl Chavez.

J’ai continué à l’adolescence. Je lisais beaucoup de comics américains, les X-Men en particulier. J’y trouvais un substitut à la famille et la particularité d’être différent dans un monde qui ne vous aime pas. J’étais très attentif aux rapports entre les personnages, plus qu’à la science-fiction. Je construisais des histoires où mes amis de la vie réelle jouaient un rôle. J’y figurais également, mais j’y ajoutais un double féminin que j’avais baptisé Audrey. Audrey allait mourir d’une maladie incurable, elle était amoureuse de Marc. Quand Marc a découvert son cancer (on était en première), j’ai cessé d’écrire.

Je suis revenu à l’écriture à Paris, en travaillant dans une agence de communication qui était sensible à mon style. J’ai commencé à écrire mon journal, j’étais soutenu par un ami qui me lisait au quotidien et qui trouvait qu’il y avait un potentiel. Quand j’ai quitté Paris, j’ai décidé de faire quelque chose avec mon journal : c’est devenu "Le gris de la Garonne", le squelette de Laura.

Avez-vous subi l’ascendance de tel ou tel écrivain lequel aurait conditionné votre art ?

Pas réellement : je pense que j’avais au départ une propension à l’intime, de l’ordre du journal, et l’intuition que cela passait par des phrases courtes, sèches, sans concession à l’égard de soi-même. J’avais fait des études littéraires (jusqu’au bac en tout cas, j’étais pris en Hypokhâgne mais j’ai choisi de bifurquer vers la médecine), j’aimais le romantisme désespéré de Chateaubriand, l’hermétisme de Mallarmé et le théâtre de Racine. Je n’ai lu les contemporains (Duras, Guibert) que bien plus tard, en même temps que je découvrais la création littéraire en marche. Et Dustan et Angot, en particulier.

Angot d’abord, qui m’a permis de croire qu’il était possible de dépasser sa propre histoire, dans un style brut et engagé, et d’être entendu. Dustan ensuite, qui m’a encouragé à penser que la société (et la littérature) allait pouvoir dépasser ses propres tabous. La suite (l’accueil du Rayon, le sort réservé à l’auto-fiction) a montré que non.

Comment s’est passée la rédaction de votre premier livre intitulé Laura ? Peut-on parler, à ce propos, de roman ?

Je n’ai jamais été à l’aise avec le terme de roman. Il renvoyait à la bonne littérature des siècles passés et à la mauvaise des contemporains. J’étais d’accord avec Donner et son Contre l’imagination, même s’il me semblait qu’il n’était pas honnête dans ses démonstrations. Parallèlement, je suis admiratif du roman anglo-saxon, contemporain ou non, et de la capacité de ses auteurs à faire croire à ses personnages : cela passe par la répétition des patronymes, que j’ai toujours trouvée pesante et fabriquée dans le roman français.

Laura, c’était avant tout un journal (je parle de la première partie, "Le gris de la Garonne"). C’était antérieur aux lectures dont j’ai parlé plus tôt, et à cause de cela, j’ai remanié le texte pour l’amener à une forme plus classique (ce que vous ressentez comme "laborieux" dans votre analyse). "Écoute" est la partie que je préfère moi aussi : elle m’a permis à la fois de passer à autre chose (dans la vie et dans l’écriture, à cerner certains problèmes et à enchaîner).

"Avant" (le making of de Laura en quelque sorte) est textuellement mon journal de cette époque : je l’ai adjoint à la première partie quand Dustan m’a rappelé après avoir accepté Laura pour me dire que c’était trop court. J’ai réagi très vite, sachant les remous que j’allais créer autour de moi mais pensant que ça valait la peine. J’avais écrit L’autre Paul parallèlement (je l’avais proposé ailleurs et j’en avais eu de bons retours, même si les éditeurs trouvaient, à raison, que le texte ne se suffisait pas à lui-même) et quand Dustan a eu des hésitations sur Laura, j’y ai ajouté ce texte-là, conscient brusquement, et grâce aux emprunts faits à Anaïs Nin qui figurent avant et après (et pendant) Avant, que l’ensemble dessinait un chemin dans ma quête identitaire.

Quelles étaient vos relations avec Guillaume Dustan ? S’agissait-il d’un simple rapport entre écrivain et éditeur ?

J’ai rencontré Dustan à quatre ou cinq reprises, à des moments-clés à chaque fois, de ma vie et de mon processus d’écriture. J’habitais Nice, il travaillait à Paris, on se parlait davantage au téléphone et par fax / courrier (le mail n’était pas encore très développé) plutôt que face à face. Il était très direct, j’étais très ambitieux. On a tout de suite vu l’un et l’autre qu’on courait après la même chose, mais il avait plusieurs longueurs d’avance sur moi. Et il y avait une dimension politique dans son travail (du moins la mettait-il en avant dans le dialogue) que je n’avais pas. Je crois que Rémès en parle très justement dans son entretien avec vous.

Je pense (mais c’est une interprétation de ma part, on n’en a jamais discuté) qu’on se ressemblait lui et moi en ce qui concerne le parcours, l’éducation, les références, l’enfance. Plus fort que moi m’a beaucoup rapproché de lui, littérairement.

Le rapport écrivain / éditeur a été très violent : j’avais des objectifs précis, un plan de carrière, je cherchais à maîtriser mes publications et j’avais un vrai problème avec son obsession de la taille des bouquins. J’écrivais vite, de façon brève et percutante, il adhérait et puis il faisait marche arrière pour des questions éditoriales. Du coup, je lui ai envoyé cinq cents pages, ça s’appelait Janvier et c’était composé d’un prologue et d’une longue plainte intitulée Après. Il adorait la cohérence, et mes obsessions qui tournaient autour de lui, de moi et d’Angot : il m’a dit qu’il était devenu un personnage de livre pour la première fois chez moi, et que ça lui plaisait. Finalement, il a refusé Janvier parce que c’était trop hystérique, et on n’a plus jamais travaillé ensemble.

Comment Guillaume Dustan a-t-il influencé l’écriture de Laura ?

Il n’en pas influencé l’écriture, mais la composition. Sans son problème avec les livres courts (je crois que Balland lui mettait des bâtons dans les roues), Laura n’aurait pas été, comme son titre l’indique, suivi de Avant et de L’autre Paul (je détestais ce titre à tiroirs) et se serait arrêté après Écoute. Cela aurait été dommage, avec le recul, mais ni lui ni moi ne le savions alors.

Avez-vous remporté quelque succès avec ce premier ouvrage ?

J’ai surtout rencontré Michel Zumkir avec Laura, qui allait publier C’est pas fini quelques mois plus tard au même Rayon. Michel travaillait pour une revue belge et avait écrit un papier sur Laura. Il travaillait parallèlement avec la revue Écritures (qui a fait un numéro sur Dustan magnifique après sa mort, sans que j’y participe cela dit) et c’est grâce à lui que Laura a mené à autre chose : j’ai publié deux fois avec Écritures, il y avait des noms prestigieux dans la revue, j’ai commencé à croire que j’avais ma place dans la littérature.

Par la suite, est-ce que vous avez tenté de faire éditer d’autres manuscrits par Guillaume Dustan ?

Bien sûr. J’avais écrit un texte très dur sur le premier cocktail auquel j’avais assisté chez Balland (c’était aussi le titre du livre) : il m’avait téléphoné un soir, il m’avait insulté, j’étais monté sur mes grands chevaux et il avait éclaté de rire, content que je réagisse. Il adorait Balland, il voulait me préparer à ce que l’on dirait. Après il avait mis un bémol sur la taille du bouquin, etc.

Il a lu Femme qui marche dans une première version : il n’aimait pas. Je lui ai envoyé d’autres textes, manuscrits, les uns après les autres, il voulait que je travaille davantage, moi je ne voulais pas et je passais à autre chose. Il m’a dit un jour que les écrivains étaient tous des dingues et il m’a donné l’adresse d’un éditeur québécois qui s’intéressait à mon travail. Ça s’est arrêté là.

Au moment de la polémique entre Guillaume Dustan et Act Up sur le bareback, quelle était votre position personnelle ?

J’étais partagé parce que je défendais l’auteur, l’éditeur (même s’il n’était plus le mien, et même si, comme le soulignent les autres, il n’a jamais vraiment été un éditeur, dans le sens : accompagnement de l’auteur), je défendais aussi quelque chose sur la responsabilité personnelle, je trouvais trop facile de pointer du doigt des coupables et de ne pas se poser la question de la responsabilité des "victimes".

Personnellement, je pensais que le bareback était une connerie, mais la cigarette et l’alcool en sont d’autres, ça n’empêche personne de fumer et de boire. Et ça n’empêchait à l’époque surtout pas les écrivains hétérosexuels (entendez-moi bien) de ne jamais se protéger littérairement dans leurs écrits sans qu’on vienne les en accuser à titre personnel.

J’étais frustré, je crois, parce qu’il y avait deux débats à mener et que l’on faisait un amalgame entre l’écrivain (et par extension, la collection chez Balland) et l’homme. Ça arrangeait tout le monde, on pouvait continuer à discréditer les homosexuels sur les plateaux de télévision sous couvert de liberté de parole (Dustan s’en tirait mal, d’ailleurs).

En revenant à l’écriture de Laura, étiez-vous capable de prendre de la distance par rapport à la mise en scène de votre propre vie quotidienne ? Le Laurent Herrou de Laura qui souffre de la culpabilité et qui ressent de manière problématique la féminité en lui est-il le même dans la vie de tous les jours ?

La question s’est posée dans les dernières pages du journal, Avant. Parce que la réalité et la littérature se rejoignaient : j’écrivais mon journal et je le basculais immédiatement dans Avant, pour chercher à terminer cette partie. J’étais dans une urgence éditoriale (j’avais peur que Dustan change d’avis) et "l’homme qui partage ma vie", Jeanpierre, vivait mal justement le passage brutal de la vie intime à la vie publique. Vous avez souligné son rôle dans l’analyse que vous avez faite de Laura, ses objections, ses questions, ses décisions aussi, radicales parfois. Je pensais à Angot, cela justifiait mon geste littéraire. Camille Laurens écrirait un livre intime quelques années plus tard, sur les dégâts de la littérature sur sa vie de couple et je trouverais ça étrangement obscène, déplacé.

Il y a des écrivains qui sont justes, et d’autres qui se mettent en scène : je n’ai jamais considéré mes textes (presque jamais, je pense à l’un d’eux qui est justement un contre-exemple) comme de la mise en scène. C’était peut-être ma vie mais c’était avant toute chose de la littérature. Je voulais que cela soit clair pour tout le monde. D’où le préambule au journal, où j’enjoins les gens qui me connaissent à ne pas lire, pour ne pas être tentés de se chercher (je suis conscient cependant que c’était une provocation).

Je m’appelle vraiment Laurent Herrou, le passage par le pseudonyme ne m’a jamais paru nécessaire. La féminité est quelque chose que je revendique, elle m’a aidé à me construire et parfois à me déconstruire, littérairement. J’ai publié un texte qui dit ceci : "Je m’appelle Nina Myers, qui veut dire quelque chose comme : je suis Nina Myers. Ce qui n’est pas véritablement vrai. Je ne suis pas Nina Myers — qui est faux également". C’est un peu la même chose avec Laurent et Laura.

Pour votre second livre (Femme qui marche), voyez-vous une différence entre la collection de Guillaume Dustan et H&O au niveau de la politique éditoriale ?

H&O est une petite maison d’éditions de province qui s’affiche comme homosexuelle, ouvertement, et en justifie les raisons dans une présentation dont on pensera ce que l’on voudra. Balland était une grande maison d’éditions généraliste et parisienne qui a hébergé une collection gay qu’elle n’assumait pas face au monde impitoyable du 6ème arrondissement.

Dustan avait des qualités (celle en particulier de découvrir des écritures et de leur donner leur chance), mais il n’a jamais fait une seule remarque d’ordre stylistique, aucune correction sur mes textes [du moins sur Laura ; il m’avait envoyé un courrier très professionnel et très argumenté sur un texte antérieur, Dimanche, 20h50 (j’en parle dans Laura), c’est par ce texte qu’il s’était intéressé à moi].

Henri Dhellemmes [directeur éditorial de H&O] de son côté a été très pointilleux, très à l’écoute de mes remarques quand une correction qu’il me proposait ne me convenait pas, sa lecture (et pas seulement de Femme qui marche mais de textes que je lui ai proposés ensuite) a toujours eu beaucoup de valeur à mes yeux, parce qu’il entrait non seulement dans le livre, mais dans son style avec beaucoup d’acuité et de justesse.

Pouvez-vous distinguer également votre travail d’écrivain dans Laura et Femme qui marche ?

C’est difficile parce que les livres ne se suivent pas, mais s’interpénètrent. Je n’écris pas de façon linéaire. J’écris, je laisse venir.

Femme qui marche a été pendant longtemps un texte isolé, qui décrit la vision d’une femme qui s’apparente à la mort. Jean-Loup a existé très vite dans mon esprit (vous trouvez qu’il me ressemble, moi je ne trouve pas), Antoine est apparu au cours de l’écriture du quotidien de l’hôpital. Je ne l’avais pas prémédité, je ne connaissais pas son destin, ni le lien qu’il développerait avec Jean-Loup. Les choses se mettent en place sans que j’en sois conscient : j’avais écrit spontanément que Jean-Loup avait des sœurs jumelles, plus jeunes. Le rapport entre elles et la Femme qui marche m’est venu brusquement, et le texte s’est intégré dans le manuscrit, et à partir de là, ses développements et la fin.

Dans Femme qui marche, j’ai l’impression que la dualité homme/femme atteint un degré supplémentaire. D’autre part, un nouveau thème apparaît dans votre œuvre, celui de la rencontre.

Pour moi, Femme qui marche fonctionne comme un miroir : d’un côté, Jean-Loup et Antoine, de l’autre Blandine et Madeleine. La mort au milieu, comme un reflet de soi-même. C’est pour ça que c’était important que les filles soient jumelles. Vous avez parlé dans votre critique du rôle de la femme dans ce roman, comme facteur d’équilibre. Je crois plutôt que c’est la mort, ce facteur. Blandine et Madeleine ne sont pas épargnées elles non plus. Et certaines des femmes qui traversent le récit ne sont pas davantage des symboles.

Reste que se crée une fracture dans ce texte entre le monde des hommes et le monde des femmes : le sexe appartient au premier, l’hôpital au second. Et la rencontre n’a pas lieu. Ou si elle a lieu, d’un côté ou de l’autre, c’est selon des codifications très marquées et dans des endroits très précis (les pissotières, les voitures, les chambres d’hôpital). Il y a en effet une dimension binaire dans ce livre : la rencontre se passe entre deux personnes, quand une troisième intervient (je pense à Vincent sur l’autoroute, ou à l’infirmière en chef au début), on va dans le mur.

Pourquoi ne pas avoir publié Je suis un écrivain chez le même éditeur que Femme qui marche ?

Je n’ai pas proposé Je suis un écrivain à H&O. Je ne pensais pas que le texte les intéresserait.

Quel est l’enjeu d’une publication en ligne sur internet (je songe évidemment à Je suis un écrivain) ?

C’est de s’ancrer dans une création en marche, le fameux work in progress qui a donné lieu à la fois à des insertions intéressantes mais aussi désastreuses dans le travail des artistes. C’est l’idée du making of, mais en cours d’exécution, pas a posteriori : j’étais en somme déjà là-dedans avec Avant.

Il y a aussi cette idée d’immédiateté que permet internet : je parle du contact, pas de la publication de mes propres textes. J’ai eu accès à une littérature de très haute qualité dont personne n’avait entendu ou ne voulait entendre parler. Et le contact qu’internet a favorisé entre ses auteurs et moi, autour de leur travail ou dans une recherche sur le mien (je pense ici à Arnaud Maïsetti et évidemment Pierre Ménard et François Bon) est exceptionnel et rare.

Je suis un écrivain a été proposé également à des maisons traditionnelles (lire : papier), avec là encore des retours encourageants mais qui ne débouchaient pas sur une publication pour des raisons essentiellement commerciales. Quand quelqu’un comme François Bon s’intéresse à votre travail, argumente ses positions et vous invite à publier avec lui, même en ligne, même si c’est incertain, même si c’est dangereux (en terme de réception, de jugements), on fonce. Finalement avec Dustan et le Rayon, c’était pareil : on savait qu’on allait se faire laminer par toute l’intelligentsia littéraire, mais on savait ce qu’on faisait. Moi en tout cas.

Comment se place dans votre œuvre un livre tel que Je suis un écrivain ? Est-ce un retour à l’autofiction ?

Non. C’est une réflexion sur la création. Et les conditions dans lesquelles elle se construit. La résidence d’auteur est un passage intéressant pour l’artiste : elle lui permet de s’interroger et d’interroger ses motivations. Le but encore une fois n’était pas de me mettre en scène.

En lisant Je suis un écrivain, je suis frappé par l’introspection qui se dégage d’un tel ouvrage, et, d’autre part, par les réflexions que vous faîtes au sujet du rapport entre l’écrivain et le monde.

Évidemment. Et votre questionnaire, ici, me ramène à cette forme choisie pour ce texte, le question / réponse. Sauf que je n’avais personne en face, "au village", pour me poser ces questions (Jeanpierre et Isabelle Sordage, "la jeune femme qui s’occupe de la résidence", avaient leur propre interrogation). J’ai donc pris le parti de me les poser à moi-même. Au passage on se gratte, on s’égratigne, on s’écorche. Il y a des degrés. Je suis allé loin dans la fouille.

L’écrivain et le monde, c’est Elephant Man de Lynch. Je parle du monstre (je pense que c’est à cela que vous faites allusion), parce que les gens ont peur des écrivains. Ils ont peur du mal qu’ils sont capables de leur faire. L’écrivain a un talent. Il a : un don. Comme les sorcières. Le public est à la fois impressionné et jaloux. Il se venge comme il peut. Je suis allé à Salem, l’année suivante.

Comment avez-vous bénéficié de cette résidence dans laquelle sont accueillis régulièrement des artistes ?

Je le raconte dans le Préambule de Je suis un écrivain : j’avais rencontré Isabelle Sordage, responsable de l’Atelier Expérimental de Clans, lors d’un projet de groupe qui rassemblait des artistes de plusieurs disciplines. On avait perdu le contact mais manifestement, elle suivait mon travail. C’est elle qui m’a téléphoné pour me proposer la résidence en juillet 2007. Je venais de poser un congé sabbatique (on ne quitte pas les sorcières) à mon boulot pour me rapprocher de l’écriture : je n’avais pas publié depuis 2003, sinon des nouvelles ici et là. Son offre est tombée à point nommé.

Quelle est l’évolution de vos rapports entre vous et "l’homme qui partage votre vie" au sujet de la création artistique ?

Jeanpierre Paringaux est photographe. Du moins cette passion qu’il avait avant moi s’est-elle transformée au fil des années (l’accès au numérique aidant) pour devenir aujourd’hui son occupation principale. A l’époque de Laura, il avait une autre activité, qui n’était pas artistique, et je ne travaillais pas. Les rapports étaient caduques dans la mesure où nos rythmes différaient, et nos attentes. On a créé L’emploi du temps à mi-chemin, qui associe au quotidien mes textes et ses photographies. Le travail a été remarqué, publié à deux reprises, et Jeanpierre a accédé à un autre statut. C’est présent dans Je suis un écrivain. Aujourd’hui il a son propre site et ses publications en solo. On est à égalité.

J’aimerais savoir si, bien que je sois indiscret en fin de compte, j’aimerais savoir si vous avez réussi à vous aimer en tant qu’être humain.

Je m’aime en tant qu’écrivain. Je m’en contente.

Quels sont vos projets pour l’avenir ?

Je pars à nouveau en résidence au mois d’août avec les Éditions Au Diable Vauvert, pour un travail autour de la mort et (forcément en Camargue, et avec cet éditeur-là) la tauromachie. Je poursuis ma collaboration avec Publie.net, en privilégiant vraisemblablement l’axe photo / texte que développent Arnaud Maïsetti et Jérémy Liron. Et j’envoie des manuscrits.

 

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Crédits photos : Jeanpierre Paringaux


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