Aucun individu normalement constitué n’est étranger au concept du premier disque composé seul contre tous, en général fruit d’une gestation et d’une maturation de plusieurs années. Ni du toujours difficile et périlleux second album. Ni du non moins compliqué troisième, souvent nécessaire pour assoir une carrière sur la longueur …
Tout le monde connait ses classiques, mais force est de constater que l’on s’attarde trop peu sur le salvateur disque de transition. Rarement cohérent, généralement bordélique, explorant un panel de styles assez large, virant à l’expérimentation, recelant parfois même des sommets jamais atteints auparavant … Un concept définitivement en voie de disparition.
Pourtant, Set'Em Wild, Set'Em Free, le nouvel opus d’Akron/Family, s’inscrit sans conteste dans cette catégorie. Tout d’abord des changements significatifs ont affecté le quatuor new-yorkais depuis la parution de Love Is Simple en 2007. Coup dur tout d’abord avec le départ de Ryan Vanderhoof, jusqu’ici vocaliste principal. Par ailleurs, en seulement deux ans les groupes de la Grosse Pomme issus de la même famille (Animal Collective, Yeasayer, Grizzly Bear …) ont fait voler en éclat les codes de l’indie folk urbain. Délaissant les expérimentations pour incorporer aux formats de référence des éléments mélodiques tribaux ou électroniques. Laissant du même coup Akron/Family un peu à la traîne. Tout au moins contraint à la réaction.
Trois possibilités s’offraient donc au trio : tenter de raccrocher les wagons, partir dans une direction opposée ou revenir aux fondamentaux. Et comme on pouvait s’y attendre, Akron/Family préfère se donner le temps de la réflexion. CQFD. Déroulement des opérations maintenant. Entame impeccable et survoltée sur "Everyone Is Guilty" complètement en phase avec les meilleures productions actuelles, mixant allègrement afro-beat, lourdes guitares seventies, chant et chœurs aériens. Même constat sur les deux titres suivants " Rivers" sous forte influence Animal Collective et "Creatures" sonnant comme un inédit de The Eraser de Thom Yorke. Fin de l’acte un.
Changement d’atmosphère sur "The Alps & Their Orange Evergreen" et "Set’Em Free, Pt. 1" voyant Akron/Family lorgner vers cette insouciance et ces harmonies chères aux Byrds ou au Grateful Dead millésime 1970. Comme établi initialement, le groupe se lance après à l’assaut de territoires jusqu’ici inexplorés, d’aspiration plus noisy psychédélique à la Spaceman 3. De façon hésitante toutefois ("MBF"). Plus conventionnelle et particulièrement réussie, la fin donnera l’occasion à Akron/Family de renouer avec l’ambiance de ses précédents efforts (Crosby, Stills, Nash & Young s’adjoignant les services de Don Van Vliet) : l’époustouflant "They Will Appear" avant l’apaisante "Last Year".
Enfin, une fois n’est pas coutume, la pochette mérite que l’on s’y attarde. Le clin d’œil There'S A Riot Goin' On de Sly & The Family Stone tombe sous le sens. On n’osera y voir un parallèle grossier avec un disque révolutionnaire ayant jeté les nouvelles bases du genre pour la décennie suivante. Plutôt une vision iconoclaste et futuriste de l’Amérique. Via un drapeau de l’Oncle Sam délabré : les bandes sont d’épaisseur inégale et non parallèles, les étoiles ont été remplacées par un pauvre motif hippie, genre t-shirt noué plongé dans un seau de peinture. Au final, Set'Em Wild, Set'Em Free s’avère une galette riche et variée, comme une belle réponse apportée à la concurrence.
Pas forcément le meilleur de la bande mais la preuve incontestable que l’aventure Akron/Family risque de durer. Autant dire que la suite est attendue avec une certaine impatience. |