Nous y voilà, c’est parti pour six jours de festival…
Nous explorons les coulisses du Paléo, comme des gosses, pendant qu’Anaïs termine son concert, au loin.
Pour l’instant, nous la ratons la petite française, au profit d’une première bière, au bar du canal, niché sous les frondaisons, au bord de la rivière, derrière la grande scène.
La rumeur enfle. Nous nous faufilons, et là : "belle pièce" s’exclame Jean-Victor l’helvète ! C’est sûr, elle a du volume la chanteuse de Gossip, et de la voix, inimitable, beaucoup de voix, qu’elle nous donne sans compter. J’aime bien cette manie qu’elle a de glisser des lyrics que nous connaissons tous, Lady Marmelade, au milieu de ses morceaux.
Dans le public, quatre créatures couvertes de boue viennent se frotter à nous, sous le soleil. Ambiance paléolithique, nous y sommes.
Pour son tube, "Standing in the way of control", Beth Ditto descend carrément dans le public – les bodyguards l’ont-ils basculée par-dessus les barrières ? Au final, il démarre bien ce Paléo, avec de l’ampleur, de la chaleur et une belle énergie. "We are the champions", nous dit-elle.
Même si nous ne sommes que mardi, nous nous précipitons vers La Chanson du Dimanche, dans la petite Club Tent, bondée.
Ils ont leur public les deux internautes, et ce que je craignais n’arrive pas : ils remplissent autant la scène que le petit écran, et leurs profils valent leurs faces. Chacun dans son rôle, ils enchainent leurs YouTube, et nous font tous asseoir pour une standing ovation, belle leçon commerciale à la face du Paléo. Ils ont raison, et la pèche !
Après ça, un petit saut sous le chapiteau pour voir la suissesse Sophie Hunger. Elle a l’air d’avoir des émotions, mais je n’ai guère vu que deux morceaux. J’ai besoin d’un autre point de vue, peut-être plus régional. Tu en penses quoi toi Jean-Victor ? C’est mou ! D’accord.
Sur la minuscule scène du détour – elle était au fond du camping autrefois – les Peter Kernel, de bien joli(e)s tessinois(es), ressemblent à Sonic Youth. C’est bien pour avaler un rouleau de printemps et des nouilles sautées.
Peut-on passer à côté de Kaiser Chiefs, sur la grande scène ? Non, nous nous les faisons depuis la terrasse. "One, two, three, four, we are Kaiser Chiefs", comme si nous ne le savions pas.
Les Anglais nous donnent du gros son, c’est bien quelques minutes, mais nous nous ennuyons vite. Leur premier hit, "Every day I love you less and less", serait-il prophétique de leur carrière ? Ho my god I can’t believe it…
Non, soyons honnêtes, je pense que je suis passé à côté de ce concert, qui devait être pas mal en vrai, dans la fosse. Et il a quand même de l’énergie Ricky Wilson, surtout dans les doigts. One, two, three, four… Five !
En parlant de doigts, nous faisons un passage rapide sous le dôme village du monde, dédié à l’Inde cette année, pour voir l’impressionnant Trilok Gurtu tapoter frénétiquement sur ses tambours. Ça en jette ça. Après, son groupe, trop jazzy, l’accompagne, ainsi qu’une petite danseuse qui a l’air aussi indienne que moi. En filant, je me demande pourquoi je suis le seul à emprunter la porte monumentale du village. Est-elle réservée aux brahmanes ?
De retour, en francophonie, je m’intéresse à Julien Doré, sous le chapiteau. Je voudrais le connaître mieux, cette nouvelle star, mais quelques chansons n’y suffisent pas, d’autant qu’il se fait voler la vedette par – il en parait lui-même surpris – Anaïs, qui veut absolument aller à Winnipeg avec nous, ou lui peut-être, le temps d’un sympathique et éphémère duo de festival.
Bon, pas question de traîner, si on veut accrocher Placebo, le retour. Trop tard, la pelouse de la grande scène est déjà blindée, et je suis loin sur le côté. Pas grave. Ça démarre à fond par un vieux tube, et l’excellent "Ashtray heart" – cenicero ! – du dernier album qu’ils enchainent avec une précision toute chirurgicale.
Je ressens le même sentiment qu’il y a quelques années au Zénith de Paris… Brian Molko est-il avec nous ? Même si sa musique fait de l’effet, comme un placébo, je me lasse de son absence quasi-totale d’interaction avec le public : nous !
Quasi-totale seulement car il nous demande d’arrêter de pousser sur le premier rang, "we are all in this together", je croyais qu’il était bilingue.
Si c’est tout ce qu’il a à nous dire, je me sauve, pris quand même par quelques remords, des fois qu’il y ait eu un accident sur le devant de la scène ? Non, Steve Forrest, le nouveau batteur confirmera à quatre heures du mat’, au bar du canal, qui ne faut juste pas pousser.
Cette échappée me permet d’aller au Détour – elle porte bien son nom, cette scène – pour goûter quelques instants aux Girls in the kitchen, qui y font un bon rock tinté d’électro.
Moi j’aime bien. La faune a l’air d’avoir pris de bons médocs, pour le coup.
Ont-ils gardé la meilleure pour la fin ? Nous rejoignons Izia, premier rang du club tent, décidément ma scène préférée.
Et là, c’est le feu absolu. Du haut de ses talons et de ses dix-huit ans, Izia nous assène son rock, soutenue par trois musiciens à peine plus vieux qu’elle.
Elle bouge bien, trop pour garder un instrument, mais elle nous montre qu’elle connait sa musique, en démarrant seule à la guitare, et en faisant un tour derrière la batterie. Elle court, elle saute, elle trépigne et s’effondre, elle rampe, et surtout, elle chante avec une voix à la Janis Joplin.
Elle joue, et son rock, assez classique, candide, est terriblement efficace. Je suis sous le charme. Je ne suis pas le seul. Nous leur offrons un vrai rappel. Ils semblent surpris, à cours d’un répertoire déjà prometteur, mais nous improvisent un pur morceau de bonheur. Cette journée finit en grande beauté ! |