Coralie Trinh Thi nous propose ce guide provocateur sur la sodomie. Osez… la sodomie se présente ainsi comme le pendant "pédagogique" de La Voie Humide, son autobiographie d’ancienne star du porno. Au contraire de Érik Rémès qui, dans son Osez… les conseils d’un gay pour faire l’amour à un homme (La Musardine, 2004), condensait en une centaine de pages son ouvrage fondamental sur la sexualité, le Sexe Guide (Blanche, 2004), Coralie Trinh Thi réalise ici un ouvrage complet et précis sur la question de la sodomie.
Elle se permet même un rapide historique de la sodomie à travers les âges. On s’attardera en particulier sur les passages en ce qui concerne la Genèse et le christianisme qui sont, à l’origine, encore aujourd’hui de la fuite de l’être humain devant le plaisir au profit de la procréation. Il s’agit, pour Coralie Trinh Thi, de lutter contre un tabou qui demeure prégnant si l’on en juge par certains guides de la sexualité, œuvres de spécialistes, et les pratiques sexuelles contemporaines.
Mais le Osez… la sodomie a aussi cette particularité qu’il ne s’adresse pas seulement aux femmes lesquelles n’auraient d’autre alternative que d’être le réceptacle des plaisirs libidineux des hommes, ou aux homosexuels, non, ce guide sur la sodomie s’adresse en même temps aux mâles hétérosexuels.
À l’instar de Érik Rémès favorable à l’idée de pansexualité, l’homme hétéro peut très bien devenir "passif" face aux désirs de sa compagne qui a la possibilité d’utiliser un gode-ceinture et de donner des coups de rein pour donner du plaisir à son partenaire.
En effet, il s’agit bien de vivre une sexualité libre dont les rapports de pouvoir sont absents, ou, si j’ose le dire, se muent davantage en une complémentarité entre deux partenaires plutôt qu’en une égalité voulue par le féminisme traditionnel. Bref, Coralie Trinh Thi remet en cause les "idées conventionnelles" (Galbraith) pour mieux faire triompher le plaisir ou l’hédonisme en tant que source primordiale de l’acte sexuel. Elle utilise les notions de Yin (féminin) et de Yang (masculin) les attribuant sans préjugé à l’homme ou à la femme, à l’un ou à l’autre.
D’autre part, avant de passer à la sodomie proprement dite, elle insiste longuement sur les préliminaires, sur le besoin d’effectuer pour les partenaires un apprentissage de l’acte en lui-même afin d’éviter la douleur qui gâche, évidemment, le plaisir. Par conséquent, non seulement Coralie Trinh Thi développe tout un chapitre ("Le corps du délit") sur le besoin de prévenir toute infection liée aux rapports sexuels (dans La Voie Humide, Coralie Trinh Thi évoque le cas d’une actrice porno victime d’un hardeur qui la pénétrait invariablement par le vagin et par l’anus, avec le risque que cela comportait), mais elle s’étend non moins longuement sur l’usage des sextoys ou jouets sexuels tels que dildos, perles anales ou boules de geishas.
Enfin, si le préjugé à l’encontre de la sodomie concerne aussi bien les hommes que les femmes (sans parler de certains homosexuels. Voir notamment le chapitre intitulé "psychologie de la sodomie"), Coralie Trinh Thi brise une fois pour toutes ce dernier en montrant par les différentes positions sexuelles le plaisir procuré par la sodomie. Elle parle, à ce sujet, d’une énergie qui monte des parties génitales pour parvenir jusqu’au cerveau, et, donc, qui dépasse la dualité du Yin et du Yang pour atteindre l’unité dans une sorte de monisme intégral.
En résumé, si le premier roman de Coralie Trinh Thi (Betty Monde) nous avait laissé sur notre faim, Osez… la sodomie confirme tout le bien que nous pensions de l’auteure de La Voie Humide. |