D’emblée, le nom de Christine Ott ne nous était pas inconnu. Compagnon(ne) de route de Yann Tiersen depuis L’Absente, elle figurait régulièrement aux côtés d’artistes français partageant ce même goût des orchestrations ambitieuses, que ce soit The Married Monk, Dominique A, Syd Matters ou encore Bed. Elle a aussi collaboré avec des artistes anglo-saxons, comme Stuart A. Staples (Tindersticks) ou Radiohead…
Sans être de ceux qui occupent le premier plan, son instrument de prédilection, les ondes Martenot, apporte une teinte un peu "hors de ce monde" aux disques en question. Leur sonorité n’est pas évidente à décrire : l’instrument, composé d’un clavier, d’un ruban (pour les "glissandi") et d’une "touche d’expression", peut évoquer un lointain cousin (précurseur) du synthé, auquel s’ajoute une nuance de touché rappelant, par certains côtés, celle des instruments à cordes. Ses sons aériens ont souvent été utilisés dans le cinéma d’épouvante et certaines pièces de musique contemporaine (tout aussi horrifiques ? On ne se prononcera pas sur la question).
Plus proche de nous, parmi les exemples d’utilisation susceptibles de donner une idée à l’auditeur novice, on peut citer deux célèbres chansons de Jacques Brel : dans La Fanette, ce sont les ondes Martenot qui figurent, à la fin, la voix enchanteresse de l’amoureuse envolée. Et ce sont elles aussi qui, en 1959, ouvraient la version originale de Ne Me Quitte Pas (note puriste en passant : la version réorchestrée de 72, lourdaude, commence en revanche par des notes de piano).
Soucieuse d’étendre le répertoire de son instrument et de mettre en avant ses propres qualités d’écriture, Christine Ott vient donc de sortir un album "solo" exclusivement consacré à ses compositions, et mettant les Ondes Martenot au cœur du processus instrumental.
En une dizaine de titres rêveurs évanescents, elle développe des paysages musicaux tour à tour intrigants et enchanteurs, aux ambiances classiques ou plus dépaysantes (notamment dans le morceau éponyme, arabisant par la grâce d’un oud joliment pincé). Les Ondes Martenot y révèlent toute l’étendue de leur registre, sans ostentation : elles sont mises au service des compositions, non l’inverse, et la technicité ne prime jamais sur l’émotion ainsi créée.
Un tel parti pris (centré sur un instrument) aurait sans doute pu virer à la monotonie ; mais la multiplicité de sons offerts par les Ondes permet d’éviter ce travers. D’autant que l’artiste s’est entourée d’un grand nombre d’amis musiciens, qui permettent une amplitude sonore assez vaste. Parmi les invités, on reconnaît Yann Tiersen au violon et Marc Sens à la guitare. Un peu plus loin, Christine Ott fait le bœuf (si l’on peut dire) avec sa collègue ondiste Monique Pierrot ; ou bien varie les plaisirs, en se mettant au piano sur certaines pièces.
Néophyte en la matière, on n’est pas en mesure de dire si, en terme d’écriture classique, les compositions de Christine Ott ont (ou pas) de la valeur. Mais un amateur de chansons y trouvera, à coup sûr, de quoi sortir de son ornière pop, étendant ainsi son univers musical. Les plus curieux iront ensuite prospecter au-delà, découvrir les œuvres majeures (Messiaen, Varèse, Jolivet) du répertoire consacré à ce mystérieux instrument. |