A la quelque peu décevante 53ème Internationale d'Art Contemporain Biennale de Venise, Ivan Navarro, artiste de la diaspora chilienne qui représentait le Chili, figure parmi ceux dont la contribution a été particulièrement et unanimement remarquée avec notamment "Death Row", son couloir de mort aux festives couleurs de l'arc en ciel.

Pour les parisiens qui ne pourront se rendre à Venise, Ivan Navarro investit la capitale lumière en présentant à la Galerie Daniel Templon ses dernières oeuvres déclinées dans la série "Nowhere Man".

Connu pour ses sculptures lumineuses qui usent du procédé pictural du trompe l'oeil ou procèdent à une recontextualisation des objets du quotidien pour un questionnement politique sur la place de l'homme dans la cité contemporaine, Ivan Navarro explore ici le détournement et le paradoxe de la signalétique dont la finalité a pour but l'identification visuelle qui appliquée à l'individu aboutit à sa désincarnation.

Jouets avec l'homme

A son égard, la filiation avec l'un des fondateurs du minimalisme et de l’art situationnel, Dan Flavin, est souvent évoquée et il est vrai qu'elle s'impose quant au médium employé. Comme ce dernier, Ivan Navarro utilise de manière récurrente des tubes fluorescents pour créer des sculptures lumineuses et dans cette série, elle s'avère encore plus évidente puisqu'il a, comme son aîné, utilisé des tubes disponibles dans le commerce.

Mais si Dan Flavin travaillait essentiellement sur la perception de l'espace, la lumière et la couleur entraînant la modification du réel ce qui est peut-être une définition de l’art, chez Ivan Navarro prédomine la notion d’art factuel.

Des tubes en trois modèles différents, deux longilignes et un circulaire qui constituent les éléments de base d'un alphabet graphique, destiné en l'espèce à symboliser une discipline sportive olympique, à la manière des pictogrammes, les présentations graphique d’informations qui ressortissent de la signalétique. Des pictogrammes qui renvoient à ceux créés par le graphiste allemand Otl Aicher pour les Jeux Olympiques, et plus précisément ceux de Munich de 1972 ensanglantés par l'éxécution d'athlètes israéliens pris en otage par un groupe armé de terroristes palestiniens.

Au delà de l'aspect ludique de ces grands petits bonhommes figés dans l'accomplissement de leur sport, Ivan Navarro sollicite la réflexion autour d'une multiplicité de thèmes : de la beauté du sport au chauvinisme sportif, de la signification idéologique, en ce début de troisième millénaire, des Jeux Olympiques, de la représentation, synthèse entre abstraction et figuration, de l'universalité indifférenciée d'un l'homme réduit aux plus simples éléments signifiants d'un corps anonyme, un corps visible quand il s'illumine par l'action de la fée électricité, de l'identité à l'identitaire.