L’objectif du Festival Radar proposé par Le Grand Mix de Tourcoing est de détecter, repérer, faire découvrir le meilleur des musiques indépendantes et radicales, tout genre confondu, rock, jazz, blues, electro…
Aussi pour certains groupes, ces genres se combinent, se superposent pour qu’au final surgisse une musique mutante, et stimulante. Les deux premières soirées de ce festival ont été effectivement chargées en bonnes surprises, empreintes d’une valeur musicale certaine.
Le premier soir a placé son introduction sous le signe de la pop avec The Acorn, sextet canadien (Ottama) composant une musique dense, chargée en mélodies accrocheuses, dont les influences sont faciles à déterminer : Sufjan Stevens bien sûr, les Fleet Foxes évidemment.
Petite digression avant toute chose : il serait bon de procéder à une réhabilitation de la pop, dans son acception la plus générale. Convenons qu’il n’existe aucun rapport entre une pop de qualité, inspirée, et la pop-FM easy-listening, populaire, trop populaire…
On ne rechignera donc pas à accueillir comme il se doit ce folk canadien, − pop première catégorie – riche en instruments et mélodies qui se déploient sur plusieurs couches.
Sur scène, tout ce débordement peut distraire, nous empêchant de consacrer plus d’attention aux paroles du premier album studio Glory Hope Mountain (2008), mais peu importe, le plaisir musical s’avère en définitive moins réfléchi que vif, instantané.
Elysian Fields, qui n’en est plus à ses commencements, porté par l’incandescente Jennifer Charles, a laissé au placard les guitares rock pour n’apparaître que dans un grand dépouillement : piano-chant dans un premier temps, guitare acoustique-chant pour conclure…
Rien de tel que ce minimalisme pour mettre en valeur la voix feutrée de la chanteuse ; une voix à la mesure de la sensualité de celle-ci, sombre, vénéneuse, enveloppante, forcément fatale.
L’accompagnement mesuré de Oren Bloedow parvient dès lors à surligner la tonalité hautement jazz du chant, flirtant avec la bossa, ou l’ambiance d’une valse bancale, noire, tendue.
Le public s’attendait visiblement à plus d’électricité. Peut-être eût-il fallu programmer le groupe en dernier lieu ? Sans doute, mais pas pour certains impatients comblés.
Le californien Jeremy Jay a proposé un rock brut, direct, sans fioritures, dégraissé des subterfuges mélodiques, et brassant de multiples influences allant des Buzzcocks (pour la spontanéité) à Jonathan Richman (pour la nonchalance des intonations vocales).
On relève juste ça et là quelques répétitions et baisse d’énergie, qui seront sans doute congédiées avec l’expérience. A vérifier tout de même sur le dernier album en date, Slow Dance (2009).
En quatrième position, le projet québecquois de Bell Orchestre, composé de deux musiciens d’Arcade Fire, s’est imposé par une présence, un charisme certains.
Autour de la violoniste, Sarah Neufeld (Arcade Fire), se tiennent – et s’affrontent – une basse, des claviers avec force percussions et trompettes, un cor, une slide-guitare, des samples électroniques ; et tout ce beau monde s’unissant pour réveiller le spectre de Silver Mont Zion.
Les morceaux instrumentaux prennent lentement de l’ampleur ; les cuivres subissent d’étranges mutations, couplées à des rythmiques complexes, construites sur une structure en spirale : des rythmiques audacieuses qui tournent sur elles-mêmes, progressent dans l’obscurité pour se consumer dans la plénitude. Le public adhère, résolument.
Cette première soirée se conclut sur la musique généreuse et roborative des islandais Mùm.
Difficile de qualifier ce groupe traversé par de multiples influences, allant de l’électro au post-rock, du classique au trip-hop, de la pop à l’expérimental. Mais on peut avancer que la veine pop du dernier album de Sigur Rós, Med Sud I Eyrum Vid Spilum Endalaust peut correspondre à cette musique pleine de grâce.
Autant dire que cette symphonie typiquement islandaise nous emmène vers des hauteurs insoupçonnées. Le charme des deux chanteuses y est évidemment pour quelque chose : musiciennes polyvalentes, bien à l’aise au centre de cet orchestre mouvant, vivant leur musique corporellement, avec une légèreté déconcertante. |