Comédie dramatique de Eduardo De Filippo, traduction de Huguette Hatem, mise en lecture par Anne Coutureau, avec Eloïse Auria, Cécile Descamps, Emmanuel Gayet, Simon Gleizes, Pascal Guignard, Gaëtant Guillemin, Philippe Ivancic, Gérard Levoyer, David Mallet, Pauline Mandroux, Sacha Petronijevic, Agnès Ramy et Perrine Sonnet.
2009 est "l'année" de la Compagnie Théâtre Vivant, fondée par quatre mousquetaires du théâtre d'incarnation, deux auteurs-metteurs en scène et deux comédiens-metteurs en scène, qui voit se concrétiser ses projets sur tous les fronts : "La trilogie de la villégiature" montée par Carlotta Clerici, "Ivanov" par Yvan Garouel, tous deux au Théâtre du Nord-Ouest ce dernier assurant également la mise en scène de "Thérapie anti-douleur" prochainement sur la scène de la Manufacture des Abbesses de même que "Trahison" mis en scène par Mitch Hopper au Théâtre Essaion.
Le projet de Anne Coutureau,au stade de working process, concerne la création en France de "Naples millionnaire" de Eduardo de Filippo acteur, dramaturge et directeur de troupe napolitain né au début du 20ème siècle qui fut la figure de proue du théâtre populaire italien.
On comprend aisément ce qui l'a séduit dans cette tragi-comédie sur fond de guerre, écrite à chaud par l'auteur à la mi-temps de la Seconde guerre mondiale , qui commence en 1942, année pivot dans une Italie qui secoue le joug mussolinien, dans une ville qui connaît les bombardements et le rationnement.
Sous forme de parabole humaniste et quasi biblique, "Naples millionnaire", qui aurait pu s'appeler "Le basso" du nom de la chambre qui sert de cadre de vie à la famille d'un quartier populaire sur laquelle il braque son microscope, modèle réduit de l'humanité toute entière, met en scène l'homme dans ce qu'il a de plus profond et de plus fragile, confronté aux tourmentes de la vie et de l'histoire.
Pour survivre, la mère, pivot de la famille, se débrouille, sans état d'âme, pour faire bouillir la marmite face à un mari qui se contente de jouer les morts pour détourner les soupçons du lit devenu un rebondi garde à manger. Mais de l'état de nécessité qui légitimise de s'affranchir des lois naturelles et des règles morales les plus élémentaires avec bonne conscience à la véritable entreprise de marché noir il n'y a qu'un pas. L'aisance, oui, mais à quel prix, tant pour les habitants du quartier qu'elle a pris sous sa coupe que pour sa propre famille.
Mêlant sur scène les deux composantes de la vie qui oscille toujours entre la comédie et la tragédie, Eduardo de Filippo brosse des personnages qui ne sont jamais manichéens et qui, s'ils se fourvoient, sont accessibles à la rédemption.
Pour cette lecture déjà avancée, Anne Coutureau s'est assurée une distribution de qualité avec notamment Perrine Sonnet, remarquable dans le rôle de la mère plus dictatrice que "mamma" et des comédiens souvent associés au travail de la Compagnie Théâtre Vivant comme Pascal Guignard, Simon Gleizes et Sacha Petronijevic, superbe père égaré, que l'on espère retrouver pour sa concrétisation sur scène.