Sur la scène du jazz français, Andy Emler fait partie des musiciens les plus marquants de ces 15 dernières années. Pianiste et compositeur, il touche à tout ce que le jazz comporte de liens entre cette musique et le rock dont il ne cesse de tirer ses influences majeures.
Andy Emler a collaboré avec de nombreuses figures majeures du jazz (Michel Portal, François Jeanneau, Trilok Gurtu, Woody Shaw), mais c’est surtout son travail en grand orchestre fortement remarqué au sein de L’orchestre National de Jazz en 1986 ou au sein du WDR qui lui a donné le goût d’écrire pour des formations larges.
Ce pianiste et surtout compositeur bouillonnant d’idées a créé en 1988 sa propre formation, le Megaoctet qui ne cesse depuis son apparition de marquer les esprits et d’accumuler les récompenses sur la scène du jazz en France. Django d’Or en 1992, Victoires du Jazz au titre de l’album français de jazz de l’année en 2005 (avec Dreams in tune), honneurs de toute la presse pour le très remarquable West in peace paru en mars 2007 et qui a collectionné les récompenses (Django d’Or à nouveau, prix de l’Académie de Jazz). C’est dire combien ce Mégaoctet fait l’unanimité au sein gotha du jazz en France.
Andy Emler, plus prolixe et productif que jamais revient aujourd’hui avec un nouvel album du Megaoctet aussi exceptionnel que les précédents. Déjà largement récompensé dans la presse (Choc Jazzman, Disque d’Emoi, etc.), le nouvel album de ce Megaoctet loin de s’essouffler, montre au contraire une belle vigueur. Andy Emler y crée ainsi une musique d’opéra jazz et rock construisant et déconstruisant les trames de ses compositions. Bourré d’énergie, ce mégaoctet alterne les unissons furieux, les exaltations tripales et des moments d’accalmie dans une sorte de séance à la fois violente et amoureuse. De ce magma en fusion, Andy Emler en fait une jungle dont Ellington et Mingus s’ils avaient connu Zappa, se seraient certainement approchés.
Chaque morceau se révèle brillant dans une construction jamais linéaire, concevant comme des suites à plusieurs mouvements (Mail to Elise). Dans cette dynamique de groupe qui sonne comme un big band (bien qu’ils ne soient que 9), l’équilibre entre solistes et collectif est ici totalement fusionnel. Les premiers comme les seconds manient l’humour et l’autodérision sous l’impulsion du cornettiste Méderic Collignon toujours fantasque et d’un Thomas de Pourquery au saxophone alto et qui trouve une voix de crooner magnifique lorsqu’il chante. L’écriture, si elle se révèle savante, y est néanmoins toujours très expressive.
Une captation DVD réalisée au Triton, petit club de la région parisienne en septembre 2008, nous permet grâce à la multiplication des caméras et des gros plans d’approcher au plus près, cette troupe survitaminée sans perdre de vue l’exploit qu’il y avait à inaugurer ce soir là cette musique aussi inventive qu’exigeante. Sur les traces d’Ellington et de Mingus revisités.
Chronique originale publiée dans
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