Comédie
dramatique de Fabrice Melquiot, mise en scène de Corinne
Jaber, avec Brishna Bahar, Homeira Delawar, Marina Gulbahari,
Leila Hamgam, Farida Rouanaq, Soraya Mugan et Wayma Tota Khil.
Les trois soeurs entrent sur scène comme elles franchissent
le passage étroit qui les mène au jardin. A la
fois elles viennent s'y cacher et à la fois elles s'y
révèlent au public. Pour elles il s'agit de se
mettre à l'écart de la société,
et particulièrement de la société des hommes.
En Afghanistan il est mal vu que des femmes se rassemblent
et fassent du théâtre, alors elles passent de l'autre
côté du miroir, dans un endroit des origines retrouvées,
où la nature les protège et leur prodigue ses
fruits: ces juteux abricots. Elles lèvent le voile aux
deux sens du terme, elles quittent la burka et font vivre leur
corps et leur âme. Les trois soeurs ont convié
d'autres femmes, elles sont sept maintenant et sont de tous
âges. Rassemblées pour répéter la
pièce de Sarah, elles sont vite distraites, par une chanson,
un appétit, un présage. La jeune auteur et la
metteuse en scène ont du mal à discipliner la
troupe.
Servie par des artistes afghanes, sous titrée en français,
la pièce décrit la situation des femmes dans un
pays où elles vivent la terreur, engendrée par
les guerres, l'invasion soviétique puis américaine,
et par un gouvernement qui les oppresse. La pièce est
aussi un acte de combat, de résistance. Par delà
la joie et l'espièglerie, elle dénonce cette oppression
qui rend les femmes si peu libres de leur vie. A travers les
mariages forcés, les grossesses non désirées
qui les attachent au foyer, leur invisibilité sous les
burkas, les voiles amples où elles perdent toutes singularités.
L'auteur, Fabrice Melquiot, laisse percer l'espoir que cette
situation change, en révélant la force de ces
femmes, leur être profond qui ne demande qu'à jouir
de la vie. La menace, la transgression de l'interdit ne sauraient
les réduire, les anéantir.
Les sept actrices afghanes, Brishna Bahar, Homeira Delawar,
Marina Gulbahari, Leila Hamgam, Farida Rouanaq, Soraya Mugan
et Wayma Tota Khil, montrent l'invisible, le drame et le rire
de ces femmes sans visages. C'est avec leur coeur, leur corps
qu'elles aiment leur pays, à travers la langue et ses
chants qu'elles lui restent attachées. " Soeurs"
est une des belles découvertes du Festival Premiers pas,
nous lui souhaitons bonne route et espérons qu'elle touchera
un large public. |