De
la madeleine proustienne au terrier du lapin blanc de Lewis
Caroll, les voies qui ouvrent l'album du souvenir, le chemin
de l'introspection et la porte du temps retrouvé sont
protéiformes.
Pour Magda Szabo, écrivaine hongroise née
en 1917, il s'agit d'un vieux puits dans le jardin familial,
invisible à l'œil nu, dont ses parents l'empêchaient
de s'approcher.
Bien longtemps après, en 1970, quand elle est à
l'automne de sa vie, le temps est venu de revenir sur place
car "Si le vieux puits s’ouvre,
je peux descendre là où rien n’a changé,
je peux invoquer dans les décors de mon enfance, ce qui
fut, ce qui furent, ce que nous étions".
Dès cette simple phrase, l'univers et le style magnifique
de Magda Szabo se révèlent au lecteur.
Une enfance hongroise
Après "Rue Katalin" paru
en 1969 qui procédait déjà à cette
recherche du temps perdu en tissant le lien entre les morts
et les vivants qui avaient vécu dans cette rue de Budapest
sur une période de 1934 à 1968, Magda Szabo actionne
de nouveau la machine à remonter le temps avec "Le
vieux puits" dans laquelle elle raconte son enfance.
Une enfance hongroise - hongroise non seulement parce que cela
se passe en Hongrie mais parce que l'auteure est très
attachée à ses racines tant familiales, placées
sous des aieuls illustres, que magyares - dans une famille cultivée
de la bourgeoisie désargentée de la Mitteleuropa
des années 20.
Enfant chétive souvent malade et petite fille au caractère
affirmé qui jouit de l'adoration de ses parents, écrivains
et poètes "avortés" comme elle l'écrit
qui ne publièrent jamais, qui l'ont eu sur le tard, elle
bénéficie d'une éducation intelligente
et humaniste qui constitue le terrain fertile sur lequel s'enracinera
sa vocation littéraire.
Une éducation qui la projette dans un monde adulte sans
pour cela en faire un singe savant ; bien au contraire, même
si l'intelligence s'affûte et le regard embrasse le monde,
elle demeure une petite fille, comme toutes les petites filles
du monde, qui tâte les pochettes surprise pour tenter
de deviner la mieux garnie et jette son poisson rouge dans le
lavabo pour lui rendre la liberté.
Cette autobiographie d'un écrivain est aussi une réflexion
sur le temps qui est un thème récurrent chez Magda
Szabo. Le temps qui n'existe pas et pourtant dont l'homme a
fait un ennemi mortel.
"Je compris (…) qu’il n’y avait rien
d’autre que l’instant présent, immobile sur
son axe éternel, enraciné dans la conscience humaine
indépendamment du moindre signe, objet, chanson, maison,
et que le passé, comme l’avenir sur son front tourné
vers l’avant, ne pouvaient disparaître qu’en
même temps que nous."
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