À force d'expérimentation, de mode et d'anti-mode, d'intellectualisme et de rétro-futurisme ; après le top 500 et l'Hadopi deux point zéro ; à tant rechercher les profits et markestiser les postures ; harassé par le calibrage FM et ses singles catchy ; lassé de l'engagement politique et revenu même du mondialisme humaniste, caritatif et poseur ; à toujours repousser les limites et devancer même le futur de demain, les yeux rivés dans celui d'avant-hier, on en oublierait presque le plaisir simple d'écouter (et de jouer) de la musique. La saine joie des jolies mélodies, des sonorités évocatrices. Voyages immobiles, poésies de notes, invitant à la rêverie.
Imagho, depuis plus de dix ans, n'oublie pas, tout simplement. Derrière ce nom programmatique, un homme : Jean-Louis Prades, qui n'est pas précisément connu pour quoi que ce soit d'autre, à vrai dire, mais qui participe ou a également participé à : Fovéa, Baka!, Sketches of Pain, Frz-Imagho ou Secret name... c'est dire si l'individu est actif et a plus d'une corde à son arc, tant il est vrai que ces différentes projets vont du plus intime au plus bruitiste.
C'est un peu de cet esprit touche-à-tout que l'on retrouve dans les paysages de son projet solo Imagho, qui est capable, avec une palette de pistes au format concis, de composer une promenade dans des paysages musicaux d'une grande variété. Ce qu'illustre à merveille la compilation "Rythm / Treble" 1998-2008, qui regroupe titres des albums précédents et inédits et tient ici le rôle d'un disque 2 pas du tout superflu et preuve du respect avec lequel sont traités œuvres et auditeurs, qui finiront de justifier tout le bien que l'on pense du label Unique Records. Le plaisir de la musique pour dernier mot, là où d'autres auraient peut-être calculé bien différemment.
Mais qu'en est-il alors du disque 1, le véritable nouvel album d'Imagho ? Y domine une confondante impression de sérénité. Sérénité des compositions, tout d'abord, auxquelles on pourrait associer de longues listes d'adjectifs reliés aux sensations de légèreté (voire : d'apesanteur), de douceur et de rêverie. Mais la maladresse de la plume promettant de n'être pas à la hauteur de ces quiétudes, on préfèrera laisser au lecteur le soin de composer lui-même la liste qui lui conviendra le mieux.
Sérénité de l'homme, aussi. Trois ans après son précédent opus (Someone controls electric guitars ; Hitomi Recordings, 2005), Imagho nous refait le coup de l'album de guitare en ayant l'air de ne pas y toucher. C'est qu'en toute objectivité, et de l'aveu même de leur créateur, les pistes sont toutes construites autour de son travail sur cet instrument ; pourtant, à la seule écoute du disque, bien malin qui pourrait le deviner, tant il est vrai que le jeu de Prades, d'une sensibilité toute de retenue, sait se faire discret, se grimer d'effets, s'effacer modestement derrière d'autres sonorités, bruits ou musique.
Ce musicien-là n'a pas besoin de (se) prouver quoi que ce soit. Il se contente de jouer de la musique, de tirer de son instrument les couleurs dont il habillera les paysages qui raviront les yeux de l'auditeur. Cet homme-là sait s'effacer derrière la joie qu'il sait faire naître chez celui qui l'écoute. Et la richesse des compositions gage que l'on ne s'ennuiera pas une seule des quarante minutes de l'album, que l'on passera plutôt, l'une après l'autre, à essayer d'explorer en esprit les vastes territoires ouverts pour nous.
Un magnifique album de magnifiques musiques, tout simplement (comme on parlerait d'un album de photo, d'une galerie de peintures). Comment ne pas y trouver la paix, le calme de la contemplation ? |