En cette fin de décennie, à l’heure des bilans, il est assez rare de lire que la mondialisation fut aussi positive, musicalement parlant ; que le fossé entre majors et indes semble s’être incroyablement réduit, que la notion même de frontière entre pays n’existe même plus et qu’un groupe d’avignonnais peut à l’aube des 2010’s facilement rivaliser avec les anglais sur le terrain ô combien escarpé de la pop.
C’est pourtant vrai, garanti sur facture, Eleven Safety Matches, le nouvel album de Pony Taylor, à la consonance pourtant pas très française, est une réussite qui dépasse de loin les prétendus "faux" espoirs hexagonaux. Parfait compromis entre le rock à papa (les subtiles lignes de clavecin Kinskiens sur l’ouverture de "You are the sailor") et celui du grand frère (en synthèse : les refrains brit’pop à la Supergrass), le disque des provinciaux (à entendre comme "loin du centre") touche au but et sans préliminaires, sans la phase d’approche qui caractérise les disques médiocres, ceux à réécouter 46 fois pour dire que, "en fait c’est bien mais ça ne passera pas l’hiver".
L’hiver, chez Pony Taylor, se porte haut les chœurs, façon Beatles, à plusieurs voies. Cela donne, en vrac, des tubes pop sans cortex ("Garden of nowhere"), des ambiances de rock pour les prolos contents d’aller travailler sous l’ère Tatchérienne, des réminiscences de Paul Weller à l’époque où c’était encore cool d’être un Mod’ avec le revers du jean remonté.
On pourrait bien reprocher quelques erreurs de jeunesse à Pony Taylor, son côté jeune poulain qui voudrait trop en faire ("Grown with the orchid", un peu trop tralala) et pourtant, impossible de résister à ces guitares accrocheuses qui donneraient presque l’impression qu’Avignon et Londres se situent sur une seule et même carte. Précision des harmonies, production quasi-parfaite, science des accords renversés et, miracle, des solos (10 secondes jouissives sur "A brand new start"), tout cela sent bon la naïveté et l’envie d’emmerder les pessimistes.
Eleven Safety Matches, s’il n’est pas le Rubber Soul du Vaucluse, mérite tout de même qu’on s’attarde sérieusement (mais sans complexes) sur l’œuvre des cinq garçons dans le Mistral d’une France qu’on aimerait plus pop. |