Renoir
investit le Grand Palais avec une exposition intitulée
"Renoir au XXème siècle" organisée
par la Réunion des musées Nationaux, le Musée
d'Orsay et le Los Angeles Museum of Art en collaboration avec
le Philadelphia Museum of Art.
Y sont présentées les toiles, dessins et sculptures
de la période dite "tardive" de Renoir, en
rupture avec la facture impressionniste, qui ne constituent
pas le corpus le plus connu ni apprécié d'une
oeuvre abondante.
Et c'est cette relative désaffection pour un pan de
l'œuvre d'un peintre reconnu, figure emblématique
de l'impressionnisme, qui a guidé le choix de la commissaire
Sylvie Patry, conservateur du patrimoine
au Musée d'Orsay, assistée de Emmanuelle
Héran, conservateur, pour la sculpture et de Isabelle
Gaëtan, chargée d'études documentaires
au Musée d'Orsay, pour construire une exposition qu'elle
a voulu construire selon une double perspective : "faire
redécouvrir une période et des aspects méconnus
de l'oeuvre de Renoir tout en évoquant le rayonnement
de son art dans la première moitié du 20ème
siècle".
Dans
une scénographie classique de Pascal
Rodriguez, l'exposition se déroule sur deux niveaux,
avec en points d'orgue les deux salles en rotonde consacrées
aux portraits et au nus.
Dispensées selon un parcours chrono-thématique,
une centaine de toiles, dont certaines rarement exposées,
des dessins, des sculptures étonnantes, et une intéressante
section documentaire illustrent la novation opérée
par le peintre.
Renoir au XXème siècle
: entre le réalisme impressionniste et l'idéalisme
académique
L'âge venant, Renoir, devenu une figure emblématique
de l'impressionnisme, renonce aux toiles lumineuses d'après
nature, au motif que "dans la peinture dans la nature,
on ne cherche que l'effet et on oublie la composition, ce qui
engendre la monotonie". Il se tourne alors vers la peinture
de figure en atelier qui s'accommodera bien du confinement dû
à la maladie.
Ce nouveau départ dont le but tend, comme l'indique
la commissaire, à "la conquête de la figure"
qui caractérise les oeuvres des trente dernières
années, se conjugue au plan pictural, en déclinaisons
majeures.
En
premier lieu, le goût du portrait avec une prédilection
pour les modèles féminins à leur ouvrage
ou dans des attitudes du quotidien qu'il traîte en multiples
variations et dont un beau florilège est présenté
dans la rotonde ("Ravaudeuse à
la fenêtre", "La
jeune mère", "Tête
d'une jeune fille", "Gabrielle
lisant", "La toilette,
femme se peignant", "Liseuse
à la Vénus" et "La
frivolité").
Autre typologie, le portrait en costume ou déguisement
qui s'il paraît bien naturel pour le portrait de ses fils
("Le Pierrot blanc" et
"Le clown") revêt
un caractère anachronique pour les adultes tel le portrait
du marchand d'art "Ambroise Vollard en
toréador" assis sur un fauteuil en osier.
Deuxième déclinaison, enfin et surtout, peut-être,
le nu.
Car est également venu pour Renoir le temps de se confronter,
dans ce registre éminent, aux maîtres anciens,
Raphaël, Titien et Rubens mais également ceux du
18ème siècle rococo avec Fragonard, Boucher et
Watteau.
Cela
entraîne des séries de nus avec une ébouriffante
floraison d'odalisques, de nymphes, baigneuses et Vénus
mythologiques aux chairs juvéniles et généreuses.
La seconde salle en rotonde en offre un panoramique saisissant
de femmes terriennes à la nature féconde, à
la sensualité émouvante et toujours pudiques ("Euridyce",
"La source", "La
baigneuse brune","Baigneuse"),
représentations d'un archétype esthétique
souvent controversé.
Pour ce qui est du rayonnement de l'art de Renoir sur le début
du 20ème siècle, Matisse, Bonnard et Picasso sont
au rendez-vous.
La confrontation de l'oeuvre de Renoir avec celle de ses cadets
(par exemple "La grande laveuse accroupie"
avec "Grande baigneuse"
de Picasso) marque cependant nettement la différence
en terme dynamisme et de puissance.
Pour apprécier et aimer l'œuvre tardive de Renoir,
il faut suivre le vademecum de Roger Benjamin, universitaire
australien qui signe un essai publié dans le catalogue
de l'exposition, intitulé "Pourquoi Matisse aimait-il
le Renoir tardif ?".
En premier lieu, "il faut apprendre à aimer l'indécis
des formes" et "pour comprendre ses paysages il faut
admettre que Renoir vivait confiné par la maladie…tout
n'est qu'immobilité et regroupements savants de formes
cotonneuses".
Ensuite, "pour aimer son coloris il faut admettre que
le rouge et le rose soient les couleurs essentielles de la transcription
du réel avec le vert et les bleus clairs en principal
contrepoint".
Enfin, "pour aimer ses femmes, il faut chasser de son
esprit l'image du corps véhiculée par les médias
actuels, pour en entrevoir une autre, fondée sur la sensation
de proximité, voire d'effleurement :la sensation de la
chair tendrement familière, de la chaleur qui en émane
sous l'étoffe légère, de la peau parfumée
qui est délicate au toucher".
A vous de voir.
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