C'est beau et alors ? Il faudrait à un album de pop-folk solitaire un supplément d'âme, peut-être. Tout le monde n'est pas Nick Drake, tout le monde n'est pas José Gonzalez, tout le monde n'est pas Daniel Dale Johnston, tout le monde n'est pas D.M Stith ; et tout le monde ne peut pas forcément devenir quelqu'un dans ce monde où s'étale l'intimité, se dévoilent les fors intérieurs, se chante l'émoi.
Richard Walters, anglais de naissance, parisien d'adoption, a pris son temps pour composer son premier album, The Animal. Trois années d'écriture et de composition, trois années à vivre et à aimer, surtout, de quoi chanter.
On sait bien comment parler d'un tel disque : fêlures, blessures, souffrance, mélancolie, peine, tristesse, nostalgie... mais aussi : beauté, pureté, douceur, fragilité, sensibilité... Avec sa voix d'encore un ange de plus, Richard Walters ne révolutionne pas le genre. C'est beau, c'est tout – c'est déjà beaucoup, d'ailleurs. Mais cela ne suffira pas à faire de l'album un moment historique ; même pas celui d'une histoire personnelle, biographie musicale personnelle, tant se dégage du disque une froideur qui risque fort d'interdire le dialogue des cœurs. Pas tout à fait trente trois minutes de belle musique, tout au plus.
Pourtant on se prend parfois à rêver de plus, quelques instants. Les brillances de "We have your head", sans conteste le meilleur titre de l'album, laissent espérer une ouverture du côté d'un pop plus follement jazz, psychédélique, comme seul a su l'explorer le Tim Buckley de Lorca ou Starsailor. Spirit of the stairway, en clotûre d'album, s'étire dans une ouate que l'on souhaiterait plus épaisse et hantée par le fantôme de Julian Fane. Mais Richard Walters ne fera jamais ce pas de plus.
The animal lui-même, titre éponyme, pourrait avoir des airs de Radiohead, s'il ne faisait tant d'efforts pour retrouver toujours son équilibre, rester dans les limites d'une joliesse un peu creuse. L'animal a rongé ses griffes, limé ses crocs. Tout pourrait se résumer à la présence de ce "True love will find you in the end", reprise de l'inégalable D.D. Johnston qui en gomme toute la folie, rehaussant sa lo-fi au niveau du chant religieux – pour finalement en détruire l'âme.
C'est donc vraiment beau, mais ce ne sera pas assez. Voulant chasser sur les terres médiatiques de Sufjan Stevens, James Blunt et autres Andrew Bird, Richard Walters a oublié qu'une performance vocale, aussi élaborée et finalement produite soit-elle, ne vaut pas œuvre d'art. L'exemple parfait de ce que l'industrie du disque peut produire et vendre de meilleur en matière de disque intime et délicat. |