Jusqu'à ce qu'un pote me tanne pour aller le voir sur scène, je ne m'étais jamais vraiment intéressé à Miossec, longtemps eu une – fausse – impression de voir un bonhomme prétentieux, hautain, très chanteur à texte. Erreur !
Car récemment, tombant sur une interview libre donnée sur son site où il parle pêle-mêle de son passé à tatonner, entre une année à "bosser" dans une petite redaction à la Réunion ou ses débuts chaotiques de
chanteur, j'ai découvert un personnage attachant, discret, humble, bref
assez loin de l'image que j'avais pu m'en faire il y a quelques années.
Et puis, après une écoute tout aussi attentive de ses différents albums, je
me suis rendu compte que le bonhomme oeuvre autant dans des mélodies
prenantes ("Brûle"), des compos très personnelles écorchées ("Non non
non (je ne suis plus saoûl)") que des morceaux au rock simple efficace ("Aujourd'hui les bières s'ouvrent manuellement").
Les arguments ne manquaient pas de me précipiter à ma billeterie Virgin pour débourser les 30 euros nécessaires pour passer une bonne soirée.
En ce dimanche 25 octobre 2009, quelques heures avant le concert, j'ai la
même sensation d’excitation positive éprouvée pour Daniel Darc au Cabaret
Sauvage, un bon feeling.
Tranquillou, il est 19h, alors que les portes de la Cigale me tendent les bras, je me dirige plutôt à l’Edward's Son, l'excellent pub sombre de Pigalle, à 5 minutes de là, juste histoire d’absorber une pinte de Kilkenny, en
me délectant de quelques morceaux de Radiohead (The Bends, la classe) et de
Noir Dez (666.667 Club).
Et c’est toujours nettement mieux qu’une bière moyenne qui coûte un bras
dans une salle de concert.
Dans ces conditions, difficile de décoller du pub, mais il le faut car il est 19h20 et la première partie est probablement entamée.
Il y a encore un peu de place dans la petite fosse de la Cigale. Aussi je m'y
faufile sans souci pour y découvrir en première partie, Alan Corbel, encore un breton, seul avec sa guitare électrique.
Cet Alan Corbel – qui fait toute la tournée de Miossec – a déjà beaucoup de métier sur scène et va nous délivrer de très poignantes ballades électriques, dans un style mélancolique prenant, intimiste, assez proche d'un Jeff Buckley (non non, je n'exagère pas, je vous jure).
Une petite demi-heure plus tard, les lumières s'éteignent et une sorte de
musique de chambre inquiétante, tout droit sortie d'un film de Claude
Chabrol, semble annoncer l'arrivée de Miossec.
Sauf que ça dure de longues minutes, malgré les "houhou, on est là", "Christophe, où tu te caches ?" du public amusé, mais bientôt agacé.
Lorsque le groupe arrive au complet sur scène, ça attaque direct sur trois
morceaux du dernier album, Finistériens. "Les joggers du dimanche", pourtant pas transcendant sur l'album, passe bien ici et "Haïs moi", avec son violon et sa guitare bien accrocheuse est bien emballé.
J’ai entendu ici et là que Miossec avait beaucoup de mal à suivre à la voix
pendant les premiers morceaux. Bon, j’ai trouvé qu’il était un peu
hésitant, certes, mais oh, j’aurais envie de dire à ces mauvaises langues
que d’une, c’est le début du concert et deuxio, de toute façon les
instruments étaient trop forts par rapport au micro, d’autant plus qu’avec
sa voix cassée et fragile, Miossec ne dégage pas toujours la puissance nécessaire.
Rapidement, le brestois se lance dans l’un de ses morceaux les plus
commerciaux et accessible : "La fidélité", bien rock, avec deux guitares
au diapason, bien nerveuses. Ce morceau met bien dans le bain l’atypique rennais, grâce à une voix caverneuse et fragile à la fois.
L’un des guitaristes se fendra déjà d’un bon solo bien placé pour clore ce classique en beauté.
Juste après, le groupe calme le jeu avec un superbe "Je m’en vais",
composition d’ensemble très intense, où le piano laisse la place à un son
de guitare envoutant/planant, Miossec plaçant sa voix sensible à merveille
dessus.
Entre les morceaux, Christophe, de plus en plus à l’aise, y va de sa petite
touche d’humour en prenant l’accent "titi parisien" (ça va revenir façon
running gag).
Les choses sérieuses sont vraiment parties à présent, et le très intense "30 ans" (morceau du superbe album L’Etreinte) part bien en vrille à la
guitare et au piano.
Miossec s’y lâche sur quelques cris, s’accroupit, fait quelques pas de
danse, balance le fil du micro, il semble en roue libre.
Arrive l’hommage à sa région, le poignant "Brest", un incontournable, sur
lequel son pianiste fait encore de très belles choses, suivi du très festif
et incroyablement pêchu "Aujourd’hui les bières s’ouvrent manuellement" qui fait bien bouger la foule, sublimé faut dire par des guitares aériennes,
rock’n’roll, rageuses… Ah oui, avant ou après "Brest", je me souviens d’un morceau bien emballé au violon, bonne rythmique à la guitare (fichtre, je ne remets pas le
nom dessus).
Après cet intermède Brest Of, Miossec et ses talentueux musiciens
repartent à l’assaut du dernier album, avec trois autres morceaux, dont le
mélancolique et très beau "Les chiens de paille" au piano (on sent
l’influence Yann Tiersen à mort sur ce morceau).
Au passage, une belle réflexion sur le monde du travail sur lequel le père Miossec chante admirablement.
Vient le tour de "A Montparnasse" où en introduction, ce grand fan de
Bashung, décidément très taquin ce soir, balance " voilà un morceau sur la
gare la plus moche de paris !".
Pour moi, c’est Austerlitz mais bon, toujours est-il que le morceau, avec son accompagnement classe au piano, est bien interprété, bien instrumental à la guitare pour finir, chouette compo qui passe super bien en live. Et de nouveau, le groupe replace un morceau connu et personnel, "La mélancolie", bien réussie.
Avant le rappel, le groupe en termine agréablement avec encore deux
morceaux de Finistériens – "Fortune de mer" et "Loin de la foule".
A retenir dans ce premier rappel, un morceau attendu et le seul de son
premier album écorché Boire, le très fort et évocateur "Non, non, non
(je ne suis plus saoûl)" d’autant plus fort que Miossec et l’alcoolisme,
c’est derrière.
Suit un "Pentecôte" très convaincant.
Le deuxième rappel est moins marquant, si ce n’est un passage où Christophe Miossec s’empare d’une guitare, et on pourra regretter l’absence d’un "Brûle", "Un chien mouillé (en silence)" ou le frais et entrainant "La facture d’électricité", qui auraient pu remplacer un ou deux morceaux du
dernier album.
Mais bon voilà, 1h40 de concert (il aurait pu pousser à 2 heures, facile),
une vingtaine de morceaux, bien au final, musicalement un très bon concert où il a bien pioché sur les différentes galettes (hormis Boire tout de même, sans vouloir insister).
On parle de Miossec, mais n'oublions pas bien sûr le coup de projo sur ses gars derrière, capables à l’instar de la formation de Daniel Darc et d’Arno,
d’alterner ballades mélancoliques, prenantes et morceaux bien rock pour
nous fournir un éventail de morceaux étalés sur le temps.
Et Miossec, qui en a définitivement fini avec sa période titubante sur
scène, plutôt à l’aise avec son public.
D’ailleurs, sa difficulté à partir de scène sur les deux rappels est un
signe fort de son rapport avec les gens et la scène.
On en redemande... |