Si le festival des Inrocks n'a pas mis, cette année, les petits plats dans les grands ou plutôt les groupes à buzz dans les grandes salles (fini le Zénith notamment), c'est à l'Olympia, tout de même, que cette soirée prometteuse se déroule en ce mercredi 4 novembre, à marquer d'une pierre blanche pour tout fan de New Order qui se respecte puisqu'il s'agit de la première date live (ou presque) de la nouvelle formation de Bernard Sumner et Steven Morris, deux des membres fondateurs de Joy Division et par la suite de New Order.
Mais avant de se retrouver face à deux légendes vivantes de la musique anglaise, commençons la soirée par de vraies découvertes.
C'est Wave Machines qui ouvrira le bal dans un Olympia clairsemé (tout est relatif cependant) mais attentif, bien que relativement passif.
Ce que l'on remarque chez Wave Machines dans les premiers instants et qui ne cessera d'attirer notre attention tout au long du concert, c'est leur curieux masque en carte que chacun porte : des masques de visages humains… qui en fait sont des masques… d'eux-mêmes. Autrement dit, chacun porte un masque (en fait une photo découpée masquant la moitié supérieure du visage) qui est, en fait, une photo de son propre visage. Effet saisissant !
Musicalement, le groupe de Liverpool se défend plutôt bien avec sa pop électro mélodique (souvent) et énergique (tout le temps). On croit percevoir quelques influences new wave dans certains synthés ("Keep the lights on") , et une bonne dose de pop très anglaise, un rien psyché (comme leur affreux Myspace) dans des chansons comme "The greatest escape we ever made" voire un mélange des deux dans "I go I go I go", hymne pop aux claviers très 80 !
Une bonne surprise et une belle découverte d'un groupe que l'on suivra avec plaisir.
La pause est de courte durée avant que n'arrive sur scène les trublions New-Yorkais de Violens.
Raccrochés à la programmation on ne sait comment mais qui comptent bien ne pas passer inaperçu, le groupe, tout jeune, est déjà encensé dans la presse anglo-saxonne comme étant la nouvelle sensation (cela se compte en semaines de l'autre côté de la Manche, tellement il y a de nouvelles sensations) post 60 aux influences héritées des vieux vinyles de pépé qui écoutaient sans nul doute les Zombies. Ce n'est pas moi qui le dit, c'est la presse anglaise (et bien entendu la bio du groupe citant sans complexe The Zombies à côté de Prefab Sprout et de Sonic Youth). Personnellement, j'ajouterais quelques influences plus récentes, entre rock noisy et shoegaze.
Quoi qu'il en soit, les Violens sont là pour faire du bruit. Trop de bruit qui transforme leur morceaux en un maelstrom sonore pas toujours agréable et qui donne l'impression, à voir les musiciens sur scène, qu'il n'y a pas forcément de la place pour tous mais que chacun veut pourtant y aller de sa prestation quoi qu'il arrive. Comme si une bande de potes avait voulu monter sur scène sans se résoudre à se séparer d'un d'eux et en s'ingéniant à trouver une place à chacun et tant pis si, au final, c'est un peu too much.
Ceci dit, la prestation n'est pas catastrophique, loin de là, et les titres redécouverts ensuite sur disque laissent augurer un bel avenir à Violens qui doit encore canaliser son énergie afin de mieux s'en servir sur scène.
Après ces deux groupes ravageurs et en attendant les plus attendus (Bad Lieutenant puis Bat For Lashes), les Inrocks nous offrent un petit entracte musicale avec La Fiancée.
Petite protégée de Florent Marchet qui, d'ailleurs, pour l'occasion tiendra le clavier et quelques parties de chants, La Fiancée propose une chanson française fraiche et lettrée plutôt sympathique et les quatre titres qu'elle jouera passeront bien trop vite.
Mais la prestation aura donné envie d'en découvrir plus et de retourner la voir en live avant de retrouver un album complet très bientôt.
Mais passons aux choses sérieuses, et notamment le groupe suivant, attendu de pied ferme et d'oreilles grandes ouvertes, les Bad Lieutenant.
Ce groupe aurait pu continuer de s'appeler New Order d'ailleurs si Peter Hook, en claquant la porte du groupe, n'avait pas promis quelques procès si cela devait être le cas. Ce n'est pas toujours beau de vieillir…
Et justement c'est ce que l'on attend de voir avec Bad Lieutenant.
Sumner affichant ses 53 ans au compteur, Morris sans doute tout autant, les prompteurs placés là pour palier à la mémoire défaillante de Sumner ne sont pas là pour nous rassurer. D'un autre côté, il les avait déjà du temps de New Order et d'un mémorable Olympia, il y a une décennie, pour le festival des Inrocks.
Entouré de trois jeunes gens, les vétérans du rock anglais débarquent donc sur scène sous les applaudissements, nourris comme il se doit quand on accueille un pan de la légende de la musique anglaise sur scène.
Difficile alors de parler objectivement de la prestation de Bad Lieutenant.
Quoi qu'il en soit, le groupe semble heureux d'être là et se lâche complètement, à l'image de Phil Cunnigham à la guitare (qui tenait déjà ce rôle sur la dernière période de New Order) et Jack Evans, impeccable à la guitare comme au chant puisque non content de faire d'excellent chœurs, il chante en lead sur certains titres. Sumner est plus tendu, s'inquiète de ses retours, fait changer son ampli de guitare mais sans heurts et sans que cela ne perturbe outre mesure le concert.
Les fans trouveront leur compte dans ce concert et, même les plus grincheux regrettant le bon vieux Hookie, ne pourront s'empêcher de danser et de secouer la tête sur les quelques tubes incroyables que décochera le groupe avec, bien entendu, quelques clins d'œil à leur carrière avec le superbe "Crystal", l'incontournable "Temptation" (le groupe ayant eu la bonne idée de nous épargner "Blue Monday") mais aussi "Out Of Control", immortalisé par les Chemical Brothers et même un titre plus anecdotique mais au final remarquablement arrangé pour la scène de Electronic, si ma mémoire ne me fait pas défaut il s'agit de "Tighten Up".
Même si les nouveaux titres de Bad Lieutenant ne sont pas tous à la hauteur de ce que l'on pouvait espérer de New Order (et même si la discographie du groupe n'est pas irréprochable), la grand messe annoncée a tout de même eu lieu et c'était un réel plaisir que de voir en chair (ça oui...) et en os un groupe qui, de Joy Division à Bad Lieutenant, en passant par Electronic ou quelques autres avatar, nous ont forcément influencés et forgés nos goûts musicaux. Mais au-delà de ces considérations très sentimentales, le concert et les chansons des Bad Lieutenant étaient plutôt convaincants, alors ne boudons pas notre plaisir et tant pis pour les fans de Peter Hook !
Pour fermer la soirée et après la décharge d"énergie sur le concert de Bad Lieutenant, la tâche était rude pour la jolie Natascha de Bat For Lashes et sa musique planante. Heureusement, nombre de fans étaient là pour elle et sa musique éthérée et poétique fera rapidement mouche et enchantera au sens propre comme au figuré le public. Les moins réceptifs commenceront à s'endormir un peu, insensibles aux charmes de ce drôle de petit chaperon rouge, mi-Björk, mi-Françoise Hardy et de ses mélodies féériques.
Une soirée qui se termine donc en douceur et que l'on quitte charmé avec l'impression d'avoir eu, ce soir, droit à un sacré condensé d'émotions, entre les découvertes, l'émotion de retrouver nos vieux démons de Manchester et le plaisir de voir Bat For Lashes et ses petites clochettes nous raconter ses petites histoires. Une soirée de festival idéale en somme ! |