La
BD s'expose au musée. Pas n’importe comment, ni
n’importe où. Cela aurait pu être un gag
à la Gaston, mais non ! Ici, c'est-à-dire à
Angoulême, et pour être précis au Musée
de la Bande Dessinée, le jeune et déjà
estimable établissement ouvre ses portes à cent
auteurs qui ont eu comme missions de s’approprier les
planches des Maîtres du 9ème ART.
L’exposition a de quoi ravir la curiosité des
plus blasés.
On pourrait écrire à la manière de De
! Mais cela sonne faux, et c’est terriblement désobligeant
pour les cent artistes qui ont perpétué, et pourquoi
pas d’ailleurs, remis au goût du jour, ce désir
vivant qu’est un musée. Désir de lieu de
travail, lieu d’exercice, lieu de réflexion. Il
faut toujours, merci à la Cité de la BD de nous
remettre le couvert, nous rappeler que "le musée
du Louvre était d’abord un lieu où travaillaient
les artistes, un lieu d’étude. Les peintres venaient
là pour copier".
C’est ce qu’est en train de devenir le Musée
de la Bande Dessinée, un musée/travail qui ouvre
déjà, régulièrement ses portes aux
étudiants en Master de la bande dessinée dispensé
par l’École européenne supérieure
de l’image.
Avouez qu’il y a là de la modernité dans
l’air. Et il faut défendre ouvertement ce type
d’entreprise hautement salutaire.
Alors voilà l’idée germée.
S’inspirer d’un modèle et ouvrir l’imagination.
il ne restait qu’à l’appliquer à l’échelle
mondiale (puisque l’on nous rabâche la mondialisation,
allons y fièrement).
Dans un premier temps, le musée sort pas moins de sept
cents planches originales d’un fond abyssal de près
de huit milles œuvres, certaines datant du milieu du XIXème
siècle. Un choix représentant les différents
continents de "Notre bonne vieille terre" comme dirait
ce cher capitaine Haddock. Ce qu’il y a de mieux comme
planches (et donc comme auteurs).
Puis on invite cent artistes venus des quatre coins de notre
planète ronde (je sais, c’est facile). Là
encore il fallu du temps, pas moins de deux ans. Chacun a pu
choisir une planche de la sélection avant de se mettre
sur la planche à dessin et faire écho à
l’œuvre choisie.
Vous allez me dire que tout cela fait un peu recette de cuisine
à l’ancienne, du type la Mère Poulard. Il
n’en est rien, bien au contraire. Tout y est libre, rien
d’imposé autre que le talent. Et il est au rendez-vous
le gaillard, a vous faire saliver de bonheur et de regrets,
celui d’avoir arrêté trop tôt le dessin.
Un jeu de miroir, donc. Peut-être ? Ici encore gardons
la prudence... Il ne s’agit nullement de copier, mais
bien au travers une œuvre d’en créer une autre
sans pour autant oublier le Maître. Vous imaginez bien
que le doute chez les artistes s’installent, mais aussi
l’enthousiasme, le questionnement , le rapport à
la création. Doit-on faire table rase de ce qui existe
ou au contraire dessiner un hommage ?
Les deux peut-être se conjuguent au même temps.
Le questionnement est là.
N’est-ce pas le rôle de chaque artiste ? Pas seulement,
c’est aussi celui du public qui découvrira cette
exposition pleine de talent. Comprendre le dialogue et le passage
de témoin entre les œuvres, entre les auteurs, comment
s’approprier l’héritage ? Voguez également
à travers cette gigantesque œuvre collective (pas
moins de vingt-cinq nations représentées et deux
cent vingt-trois planches exposées), comprendre comme
un message fort, cette pluralité.
Même avec des bulles, surtout diront beaucoup, il y a
de quoi ouvrir les esprits. Je laisse donc le choix au public
de découvrir les auteurs présentés et de
ce dire définitivement que la BD est un art majeur. |