Pour son troisième effort Heartland, le premier sous son propre nom – suite à l’abandon pour d’obscures raisons juridiques de son pseudonyme original (Final Fantasy) –, Owen Pallett vient de balancer un sacré pavé dans la scène musicale actuelle.
Avant tout connu jusqu’à présent pour ses parties de cordes et orchestrations pour la crème de l’indie rock actuel (Arcade Fire, Grizzly Bear, Beirut …), ce jeune trentenaire originaire de Toronto ose un disque à l’ancienne. Avec une prise de risque conséquente mais calculée.
Certes il avait annoncé la couleur avec ses précédentes productions, mais cette fois Owen Pallett pousse le bouchon plus loin encore. Musicalement considérablement éloigné des productions actuelles classiques, à l’opposé en terme de composition. Rien de moins qu’un concept album avec une histoire à laquelle on ne comprend rien et dont on se moque éperdument (remember Tommy, Smile et autres Village Green ou SF Sorrow) : les aventures de Lewis, fermier évoluant dans un monde onirique appelé Spectrum. Décomposé en douze titres comme autant de tableaux de la vie de son jeune personnage, Heartland s’avère d’une originalité à couper le souffle, sorte de bande-son contemporaine de Fantasia.
En dépit de références appuyées (au niveau du son et des structures) à la musique classique ou à l’opéra, Owen Pallett demeure un authentique produit de sa génération, utilisant à l’envi les techniques actuelles de looping tout en incorporant nombre d’éléments électroniques. En effet, bien qu’enregistré avec l’orchestre symphonique de Prague et peaufiné durant des mois au Greenhouse Studio de Reykjavik, il s’avère facile de déceler sous ces écrins majestueux, un long travail de composition probablement effectué en solitaire. A l’instar de son concert en janvier dernier à la Maroquinerie, où seulement armé d’un violon et de pédales de sampling, Owen Pallett empile les couches sonores, comme autant de poutres constitutives de la charpente d’une cathédrale. Peu de titres sortent franchement du lot – "Lewis Takes His Shirt Off" ou "Flare Gun" exceptés –.
Assez logique eu égard à la démarche adoptée par l’auteur. Tantôt lyrique et solennel, tantôt inquiétant et lancinant voire parfois déroutant, Owen Pallett joue avec les ambiances comme avec les sentiments de l’auditeur. Un disque hors du temps, hors des normes à recommander aux aventuriers. |