A l’ordre du soir : ambiance chaleureuse pour cette soirée de clôture parisienne du festival Les Nuits de l’Alligator en ce 27 février qui annonce la fin imminente d’un hiver interminable. L’abondance du public dans la petite salle n’y est pas pour rien ! Et puis, le samedi soir, quoi de mieux qu’un petit concert comme récompense du travail accomplie pendant la semaine ?
She Keeps Bees entame le tour de chant avec une attitude décontractée et sans compromis. Une coupe de cheveux à la Patti Smith, un univers semblable à celui de Cat Power en plus dynamité… Jessica Larrabee est une chanteuse gentiment barrée.
Pour seul compagnon de route, un batteur officie derrière les cymbales et les caisses claires pour accompagner la chanteuse/guitariste qui se risque au "french language" entre les morceaux.
Et c’est à cela que l’on repère le talent : peu de matériel, pas de fioriture et ça fonctionne. Avec les titres de son second album intitulé Nest, sorti en 2009, le duo met le feu aux poudres. Dotée d’une voix puissante, d’un timbre rauque et écorché, d’une mise en place impeccable, elle prêche à des convaincus.
Et quand elle lâche sa guitare électrique pour un morceau reposant sur la batterie, le handclapping (moment d’interactivité savoureux avec le public) et le chant, c’est le coup de grâce. Cette authenticité se retrouve dans l’époque révolue où les artistes ne mettaient pas leur énergie dans le look mais bel et bien dans la pratique de leur passion.
Un petit interlude avant le prochain groupe.
Et de surcroit, pas désagréable puisque le public applaudit des deux mains le talentueux trublion qui se lance dans l’interprétation, guitare en bandoulière, de chansons folk.
Ce bonhomme a le mérite d’avoir tenu le public en haleine pendant un bon quart d’heure et de l’avoir ainsi empêché de succomber à la tentation d’une boisson gazeuse, rafraichissante et alcoolisée…
Turner Cody feat. Herman Düne entrent alors en scène et nous proposent un univers roots au couleur très country-folk. La collaboration franco-américaine fonctionne admirablement bien.
Le batteur assure une rythmique implacable et toute en nuances avec baguettes, balais et mailloches. Le guitariste électrique joue des effets de sa guitare avec un son clair à la limite des sonorités produites par la pédal style.
Le chanteur-guitariste, perlant de sueur, délivre une voix légèrement nasillarde taillée sur mesure pour les chansons folk.
Des influences très proches de Van Morrison ou de James Taylor. La trompette s’invite en guest sur un morceau. Ce que je retiendrais de ce set et plus généralement de cette soirée, c’est le morceau acoustique en rappel offert généreusement par Turner Cody. Seul en scène, le rouquin chapeauté se lance dans un arpège et une mélodie qui redonnent du sens à l’émotion.
Le second intermède avant d’annoncer l’arrivé des Clues, me laisse perplexe. Deux hommes : l’un, préposé au chant (envolée lyrique douteuse ?) et de la partie électronique, l’autre, au bec d’une flute diffusant des sonorités arabisantes. Le public, lui non plus, ne sait comment recevoir cet imprévu en réservant aux deux hommes un accueil en demi-teinte.
Enfin, les membres de Clues prennent place. Au compteur : deux batteries au centre de la scène, un chanteur/guitariste, un clavier/bassiste, un gars aux manettes de l’électronique.
Comme si le silence avait été la plus grande crainte de ce groupe venu du Canada. Vous l’aurez compris, la rythmique, à travers la batterie, occupe une place prépondérante dans leur marque de fabrique. Les riffs sont saisissants.
C’est incontestablement rock. Leur premier album intitulé du même nom Clues, sorti en 2008, n’avait pas reçu l’accueil escompté. Et pourtant, les échos médiatiques les consacrent comme la "relève d’Arcade Fire".
Ce qui n’est pas totalement faux et plutôt flatteur ! Le chanteur à la voix haute perchée ne manque pas d’énergie et s’anime dans des gesticulations non contenues à partir du troisième morceau. Les spectateurs n’en sont pas rassasiés. Les musiciens assurent une montée en puissance et c’est sur les habituels rappels que la soirée va tout simplement s’achever.
On peut tout de même noter une rupture dans la programmation. Un agencement chimérique entre la simplicité roots des deux premiers groupes, et l’alchimie maniérée du dernier.
Pour finir cette chronique par une brève rétrospective de la soirée, rien de typiquement blues… tantôt folk, rock, parfois électro, au demeurant très intéressant.
Mais je le pense, ce festival n’appartient pas à la catégorie traditionnelle des festivals blues du Mississippi. C’est un arc-en-ciel d’influences musicales découlant des racines. Car, il faut bien l’admettre, le blues est un peu le patriarche de tous les styles. |