Comme souvent, le premier concert de la soirée se déroule à l’Auditorium. Et c’est Louis Warynski, alias Chapelier Fou, qui ouvre le bal, qui sera suivi par les Britanniques de Tunng et les Texans de Midlake. Ce jeune homme, originaire de Metz a une actualité récente assez chargée : suite à deux EP sortis en 2009, l’album 613 est arrivé en 2010. Découverte du Printemps en 2008, le Chapelier, seul en scène, revient ce soir devant le public calme de l’Auditorium. Le fait que toute la salle soit assise n’a pas toujours permis d’établir une connivence parfaite entre le musicien seul, debout et le public statique.
Ce virtuose du violon (il en joue depuis ses 6 ans) jongle entre son instrument fétiche et la guitare puis avec ses machines compliquées. Les mélodies sont harmonieuses et planantes et il s’inspire des grandes références de la mouvance de la musique répétitive américaine, et des précurseurs de la musique électro, entre autres. Tel un mathématicien ultra organisé, il construit sa musique au fil des morceaux, à partir de rythmiques et voix pré-enregistrées, puis ensuite ses propres samples live de guitare ou violon. Le titre "Secret Handshake" a permis de créer une osmose qui, hélas, n’a pas persisté tout au long de cette véritable performance artistique. Chapelier Fou, un concentré de talent avec une personnalité unique qui nous séduit par son sens inné de la mélodie, tant sur scène que sur nos platines.
Toujours auréolée d'une certaine image arty, la pop de Tunng est pourtant loin d'être élitiste et inaccessible. Ce vendredi soir à l'auditorium, Tunng en a encore fait la démonstration, même si la froideur du lieu ne jouait pas en la faveur de ce groupe un peu perdu sous ce haut plafond et donc la musique intimiste se perdait un peu dans les fauteuils trop confortables de cette belle salle.
Car si la chanteuse sait faire de beaux effets de feston avec sa belle robe de bal, on est loin d'une musique de fête foraine ici mais plutôt d'une pop travaillée et subtile jusque dans les moindre illustrations sonores (bruits d'eaux, bruits d'entrechoquements...), à peine perceptible pour qui perd quelques secondes d'attention.
Quoi qu'il en soit, difficile de ne pas se laisser embarquer par leur musique à la fois mélancolique et entrainante, créant des ambiances dans lesquelles il fait bon se prélasser et offrant sur scène, comme tous les bons groupes, une lecture de leurs albums différente et toujours surprenante : le DJ prend une place non négligeable dans les compositions, apportant une densité forte, en contre-point parfait aux instruments organiques qui font la signature du groupe. Un beau concert, relaxant après l'énergie sonore de Chapelier Fou et qui apporte une bien-être nécessaire à l'arrivée de Midlake sur les planche de l'Auditorium.
Midlake a donc la lourde tâche de prendre la suite de Tunng mais surtout de jouer exactement en même temps que les Fitzcarraldo Sessions au Palais d'Auron, une des rares erreurs de programmation sur ce festival, interdisant un large public commun aux deux groupes d'assister aux deux concerts... Qu'à cela ne tienne, fais ton choix camarade comme on dit, alors on fait un choix et on se partage le job.
Midlake, ce sont sept barbus et chevelus, chemises à carreaux de rigueur, évidemment. Mais là où il y a du barbu américain, il n'y a pas forcément une musique aux cheveux gras qui sent le purin. Loin de là, faisons fi des clichés. La musique de Midlake fait dans la délicatesse et l'élégance, héritant bien entendu de la country folk américaine mais aussi beaucoup de la pop raffinée de quelques pointures du songwriting, pas si éloigné de cela de Nick Drake ou dans un autre genre des Flamming Lips.
Sept gaillards dont la musique tantôt aérienne, tantôt plus progressive, pour ne pas dire psychédélique (comme cet avant-dernier titre à rallonge au final chaotique ou le dernier titre qui commence par une superbe mélodie jouée à deux flutes traversières (oui, je vous le dis, ça ne sent pas le purin chez Midlake) et qui se termine dans un remue-ménage énergique et inspiré.
Sept gaillards et quatre guitares, une batterie, une basse et un clavier également maître dans la flûte traversière.
Sept gaillards aux voix de crystal qui chantent souvent à 2, 3 voire 4 voix.
Un concert sublime, forcément et de façon parfaitement subjective, un concert d'un groupe indispensable qui ferait passer les jeunots de Revolver pour un groupe de bal du 14 juillet.
Un groupe qui fait que malgré tout, je suis finalement bien content de ne pas avoir accompagner mes camarades au concert des Fitzcarraldo Sessions...
De notre côté, après une interview de l’homme au chapeau, nous filons au Palais d’Auron pour voir The Fitzcarraldo Sessions, qui ont dû faire face à l’absence imprévue de Craig Walker (problème d’avion et de volcan…). Malgré cet incident de dernière minute, ils ont assuré une prestation époustouflante. The Fitzcarraldo Sessions, ce sont les musiciens de Jack The Ripper sans le chanteur, qui se sont lancés dans un projet hors du commun, en composant des petites pépites pour des artistes qu’ils ont choisis et avec qui ils partagent une partie de leur univers. Dès le premier morceau, instrumental, on reconnait la patte de ces sept musiciens, une multitude de cordes, nappée de cuivres, tel Calexico. L’intensité de ce morceau est une introduction qui annonce déjà la beauté de ce concert. Ensuite, les invités s’enchainent : Marc Huyghens (ex Venus), Phoebe Killdeer, Rosemary (Moriarty), Stuart Staples, Jonathan Morali (Syd Matters). Marc Huyghens a interprété "L’instable" qui, sur l’album, est chantée par Dominique A. Puis il a remplacé Craig Walker au pied levé, rassuré par sa feuille de paroles (qu’il a lâchée très vite) et par le regard encourageant des musiciens : un beau moment.
Rosemary se lance dans une chorégraphie avec Phoebe Kildeer, sur une chanson aux accents jazzy et cabaret et on sent que la salle, ne connaissant pas forcément les morceaux, est captivée et le restera jusqu’à la fin.
Malgré le timing serré du Printemps de Bourges, qui ne leur a pas permis autant de latitude que pour leur dernier spectacle parisien, le concert s’est terminé par les forts applaudissements du public et pendant leur salut final, on a pu sentir toute la fierté des instigateurs de ce projet follement ambitieux et réussi.
La soirée se poursuit avec une création du Printemps de Bourges : Les Françoises. Le principe est original : réunir les grands noms de la scène française actuelle féminine et chacune interprète la chanson d’une autre, puis des reprises et des inédits. Une grande partie du public était venue pour assister à ce spectacle (mis en avant pendant la promotion du festival) et à l’arrivée sur scène des demoiselles masquées, chacun y allait de son petit commentaire sur l’identité de chacune. Sur scène il y avait donc : Camille, La Grande Sophie, Olivia Ruiz, Emily Loizeau, Jeanne Cherhal et Rosemary qui ont triomphé, terminant en douceur et émotion avec une reprise de "Flori Canto" de Lhasa.
Au 22, nous retrouvons les Wave Machines, de Liverpool. Ces garçons sont déjà en haut de la vague en ce moment, portés par le vent des bonnes critiques de la presse spécialisée, à l’instar des Vampire Week End, ou des Fool’s Gold (présents plus tard dans la soirée). Leur musique se caractérise par le paradoxe entre un son puissant, aux rythmes instinctifs et une indie pop légère et entrainante. Pas besoin de connaitre le groupe, le public est d’emblée emmené par cette sympathique bandes de musiciens, dont le leader, Tim Bruzon, s’essaie au français avec succès. Sur certains morceaux, Carl Brown pose sa voix, et amène une ambiance planante et plus intime, tout aussi agréable et chaleureuse. Un set très appréciable qui justifie l’engouement des médias pour ce groupe, à suivre de près.
Après une courte, c'est au tour de BLK JKS d'investir la scène. Ce groupe venu d'Afrique du Sud au nom étrange qui se prononce en fait tout simplement Black Jacks (vous saurez pourquoi il manque des lettres en découvrant dans les prochains jours l'interview du groupe) jouait ce vendredi soir au 22 Ouest, juste après les très pop Wave Machines et pas longtemps avant les pénibles Plasticines. Résultat, un public entre deux eaux pas forcément préparé à ce qui allait se passer sur scène pendant ce trop court concert de ces sacrés énergumènes de BLK JKS.
45 minutes de maesltrom sonore aux basses puissantes entre musique funk et construction jazz tenant autant des expérimentations sonores de TV On The Radio (et pas seulement parce qu'il y a des blacks dans les deux groupes) que de la world music, du rock et de la musique traditionnelle sud-africaine puisque les garçons ne se gênent pas pour chanter en zoulou, même si le chant est masqué grandement par les déchainement du batteur dont les dreadlocks impressionnantes s'agitent en contre-jour au fond de la scène et les guitares hypnotiques qui, au même titre que le post-rock puissant de Mogwai par exemple, laisse le spectateur vidé et pantois.
Cet objet sonore atypique et difficilement identifiable aura en tout cas certainement ravi les quelques dizaines de spectateurs qui auront su rester jusqu'au bout du concert et auront eu la curiosité de la découverte avant un repos bien mérité pour attaquer le samedi de bon heure et de bonne humeur, grâce à ce concert absolument jouissif permettant de terminer sur une bonne note...
Comment ? Est-ce qu'on est resté pour les Plasticines ? Ah zut, nous n'y avons plus pensé, c'est bête. |