Polar, roman noir, – sombre comme une chanson de Joy Division, auquel il emprunte le prénom de son chanteur ; Joseph d’Anvers installe son premier récit dans les profondeurs sombres d’une romance rock désespérée et scrute les itinéraires de deux âmes perdues : Ian, le chanteur-vedette d’un groupe sans nom et Mona, journaliste en immersion auprès de ses idoles, confrontés à une série de meurtres mystérieux commis pendant les concerts du groupe d’Ian.
Sixième opus de la série Mona Cabriole, qui doit en compter vingt, un pour chaque arrondissement de la capitale française dans laquelle se déroulent les aventures de la journaliste, La nuit ne viendra jamais relève à son tour le défi d’un polar rock et s’approprie cette héroïne qui a décidé, comme l’avait fait avant elle le Poulpe, de se donner à un auteur différent à chaque fois. Elle y gagnera une part d’ombre dans l’amour déçu pour un chanteur perdu, héroïnomane, maudit, dont l’ascension fulgurante laisse derrière elle une piste ensanglantée.
Si l’on regrettera un peu que le personnage de Mona se voit éclipsé par celui de son amant, dont le charisme est peut-être déjà une part de la malédiction, on aimera en revanche la façon dont se remettent en place, façon flash-back ante mortem, les pièces du puzzle de l’itinéraire d’Ian ; car c’est bien lui la figure centrale du roman et, avec lui, tous les chanteurs maudits que les quatre dernières décennies du rock ont pu compter.
De son écriture évocatrice, concise et parfois proche de l’abstraction, Joseph d’Anvers évoque en effet toute la mythologie du rock-maudit. Dans un Paris redevenu romantique, il pleut, comme éternellement, sur les épaules d’anges noirs égarés dans la lumière des projecteurs. Ian et Mona vont s’aimer. Les ailes brûlées. Une vague odeur de souffre. Le silence d’une foule. Les années sombres. Puis la mort – c’est avec cette mort que tout commence, vingt ans après.
Le livre, dont on regrettera peut-être la concision, est survolé par une bande originale du meilleur goût, qui en dénote assez bien l’esprit. Au détour des pages, on croisera donc, en toutes lettres ou entre les lignes : Joy Division, évidemment, mais aussi Tom Waits, Mogwai, Jeff Buckley, Slint, Nick Cave, les Tindersticks et bien d’autres. On entendra peut-être aussi, comme en écho, la chanson "Les amants" de Joseph d’Anvers lui-même (issu de l’album Les Choses en Face ; Atmosphériques, octobre 2006), dont les paroles, teintées d’une certaine amertume pourraient aller si bien à Ian et Mona : "mais seul au monde on s’habitue à préférer quand il a plut".
Premier essai transformé, donc, pour Joseph d’Anvers, quoique l’on espère surtout, à cette lecture, le retrouver dans un univers plus personnel encore et plus développé, tant il est loin d’être certain que les contraintes romanesques imposées par la collection (le 9ème arrondissement de Paris, suivre les aventures de la jeune journaliste), qu’il s’est d’ailleurs autorisé à ne respecter que d’assez loin, lui aient permis de laisser s’épanouir au mieux sa propre inventivité. |