On se rappelait du premier album Raides à la ville de Katel pour ses envolées électriques, pleines de promesses, à la Dominique A ou à la Noir Désir, et ses textes poétiques, en particulier sur l'agréablement désuet "Charnelle".
Le deuxième album allait-il lui permettre de tenir les promesses faites deux ans plus tôt ? Hé bien, oui.
Katel, tout au long de Decorum, conserve cette musicalité des mots, autant dans le rythme que dans la mélodie. Peut-être lui manque-t-il encore, en plus de la rythmique des mots, le sens de la formule qui percute, qui permet de reconnaître aussitôt la chanson, même hors de son contexte ("si seulement nous avions le courage des oiseaux...", "Madame rêve d'atomiseurs..."). Peut-être, encore trop sage, hésite-t-elle à s'écorcher les chevilles dans les ronces et à fouler les orties des chemins de traverse pour donner à ses textes les plaies et les bosses qui nous ferons les adopter entièrement.
Mais il y a dans Decorum la voix habitée de Katel, avec son grain un peu bas. L'auditeur a affaire à une vraie chanteuse qui, au-delà de la qualité technique du chant, transmet de l'émotion. De plus, cette suite de onze chansons est superbement produite, à la hauteur des ambitions musicales. On navigue dans un pop-rock mélodique, parfois doux et ronronnant, parfois brillant, parfois dans l'emphase, mais dont les lignes sont tracées avec beaucoup d'attention, le trait plus ou moins appuyé. La musique emporte l'auditeur dans des paysages embrumés et troublants, tout en lui laissant régulièrement des signes auxquels se raccrocher.
Parmi les pépites que renferment cet album, on retient en particulier "Chez Escher", chanté en duo avec Jeanne Cherhal, qui rappelle les univers de William Sheller et "Le chant du cygne" comme un galop à cheval. Ce disque interpelle à la première écoute, puis se révèle long en bouche révélant des saveurs insoupçonnées, revenant de plus en plus régulièrement sur la platine. |