Comédie
dramatique d'après Octave Mirbeau, mise en scène
de Thierry Garet, avec Hugues Baroni, Guy Bourgeois, Gerard
Cheylus, Lucien Czarnecki, Jean Maurice De Geitere, Marine Gandibleu,
Thierry Garet, Daniel Guillaume et Christiane Marchewska.
Dans le cadre du cycle du Théâtre du Nord-Ouest "Des prisons
et des hommes", Thierry Garet met en scène "Petite chronique
du rire noir" d'après "Les 21 jours d’un neurasthénique" de
Octave Mirbeau.
Dans cette oeuvre en forme de collage romanesque sans intrigue, sans doute moins connue du grand public que "Le jardin des supplices" ou "Le journal d'une femme de chambe, sous-titrée "le défilé de tous les échantillons de l’animalité humaine", Octave Mirbeau, journaliste imprécateur et écrivain libertaire, y détourne et subvertit le conte, genre littéraire qui connaît à son époque une grande notoriété éditoriale dans sa déclinaison lénifiante, pour aborder de manière récurrente ses thèmes de prédilection que sont le sadisme, la souffrance existentielle et la violence, dénoncer la prééminence du discours scientifique, dresser un inventaire des turpitudes sociales, notamment du nationalisme, du colonialisme et de l'antismitisme et brosser le portrait de sociopathes et de paranoïaques aussi grotesques qu'inquiétants.
Christiane Marchewska a procédé à une judicieuse adaptation théâtrale de ces séquences narratives étalées sur le temps d’une cure thermale, dans laquelle elle joue le rôle du narrateur, qui n'est autre qu'un factotum de l'auteur, qui va y rencontrer "une insupportable collection de toutes les humanités", en procédant à une gradation croissante vers l'horreur.
En fond de scène, d'une ronde lancinante de silhouettes indifférenciées,
emmitouflées dans des peignoirs rayés de curiste, qui évoquent
autant des prisonniers dans la cour de promenade que les figurines
d'un tir aux pigeons, émergent, aux côtés du médecin fou, le
docteur Triceps obnubilé par les palmes académiques (Guy
Bourgeois furieusement fou) et de son assistante Mademoiselle
Priant persuadée qu'on lui a volée son identité et sa pensée
(Marine Gandibleu illuminée), des
personnages saisissants aux noms parfois édifiants.
Robert Hagueman, un acteur cabot (Thierry Garet veule à soughait), Monsieur Tarte, un assassin aux mains propres (Gérard Cheylus délicieux), Clara Fistule, artiste éthéré, ni homme ni femme, qui se croit né dans une étoile (Jean-Maurice de Geitere irrésistible), Monsieur Isidor-Joseph Tarabustin, professeur au lycée de Montauban fasciné par le symbolisme du dernier bec de gaz de France avant la frontière franco-espagnole et son épouse (Daniel Guillaume et Lucien Czarnecki décalés) pour finir avec le colonel conquérant du Soudan (Hugues Baroni impressionnant), le militaire patriote, nationaliste, xénophobe, antisémite, qui s'enorgueillit d'un manteau en peau de nègre, adepte du supplice du rat et des génocides qui préfigurent les exactions du 20ème siècle.
Les comédiens participent avec talent à cette nausée mirbellienne dans une approche résolument noire qui n'est pas sans résonance au 21ème siècle et fait encore frissonner. |