La lecture de La Duchesse amazone est une plongée en apnée dans l’Histoire de France, par Gérard Hubert-Richou. L’auteur totalise pas moins de 137 écrits, toutes catégories confondues, du roman Jeunesse au théâtre en passant par les nouvelles. Impressionnant.
Et justement, pour cerner l’histoire dans l’Histoire, un retour en arrière s’impose. Ce que l’auteur ne manque pas de faire, assez froidement (donc objectivement) dès les toutes premières pages, en guise de préambule. Rapide et efficace.
L’action commence exactement le 1er mai 1832, résultat d’une boule de neige dont l’auteur situe la source le 16 septembre 1824, lors de l’élection de Charles X, successeur (et frère) de Louis XVIII… Don’t Panic ! Moi aussi, j’ai commencé par sonder les tréfonds de ma mémoire poussiéreuse, pour retrouver de quel Louis (et de quel Charles ?) il s’agissait. Résultat ? J’ai dû remonter plus loin que ça pour accrocher un fait familier : La Révolution française de 1789 !
Le départ : 1789, archi-connu, des parisiens pas contents s’en vont braquer des baïonnettes à la prison de la Bastille, histoire de se défendre contre le méchant roi, qui les laisse pauvres et affamés, alors que lui se vautre dans le luxe et le stupre depuis sa naissance. La suite, renversement de la monarchie, proclamation de la Première République, abus de pouvoir et régime de la Terreur, échafauds, guillotines, sang, fin de la Terreur (plus de tête à couper), Directoire, entrée du petit Bonaparte sur scène, qu’il quittera à cause d’une trop grande soif de pouvoir (entre autres), Restauration de la monarchie avec Louis XVIII, puis Charles X, mais non, vous n’êtes pas perdu, c’est celui-là dont on parle dans le livre ! Et c’est là que Gérard Hubert-Richou nous invite à le rejoindre. Charles X (partisan de la royauté absolue) supprime la liberté de la presse et limite le droit de vote (malotru !), il n’en faut pas plus pour que le peuple se soulève, pendant 3 jours, immortalisés sous le nom des "Trois Glorieuses", mais ça suffit pour faire abdiquer Charles X. Louis Philippe devient roi des français. Arrivée.
Marie-Caroline, duchesse de Berry, ne l’entend pas de cette oreille. Pour elle, c’est Henri, son fils, qui doit monter sur le trône, elle a fait le calcul complexe des priorités de sang, des liens familiaux, des mariages, des alliances, et elle est convaincue qu’elle s’est fait griller la priorité. Ni une, ni deux, elle met son petit (il a 12 ans) à l’abri à l’étranger, et part à la reconquête du trône. Folie.
Encore un retour en arrière pour cerner le personnage. Pour éveiller le patriote dans chaque cœur de ses citoyens (et pour recruter plus facilement aussi), Napoléon (celui qui est mort un peu plus haut) avait ressorti Jeanne d’Arc et Vercingétorix du fin fond du Moyen Age. Résultat, les Français sont devenus de fiers et hardis défenseurs de leur identité nationale, de leur cher pays, au péril de tout. Transformant un petit bout de femme en guerrière. Marie-Caroline.
L’auteur réussit la prouesse de restituer les véritables paroles de la duchesse de Berry, tout en promenant le lecteur dans la campagne française (pas encore industrialisée), à travers le décor des Misérables et dans les foyers Chouans : les résistants de Vendée trafiquants d’armes et de poudre (à canon). Les lettres et les échanges rapportés dans le récit s’y greffent naturellement, comme s’ils avaient été faits pour cette histoire. Idéal.
Le livre raconte la folle épopée de Marie-Caroline ; la femme qui a fait frémir Louis Philippe plus d’une fois, de Marseille à Nantes, à cheval ou à pied. C’est une authentique cavalcade de la jumelle spirituelle de Don Quichotte, à se battre seule contre tous, aidée, soutenue, adulée, traquée, admirée, poursuivie, convaincue, sûre de ses choix, intrépide, passionnée et terriblement attachante. La duchesse amazone. |