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Interview  (Paris)  mai 2004

Passionné de poésie, "acteur" du spectacle vivant (spectacles de rues, MJC, interventions dans les squats, récitals sur les places publiques), directeur de l’Auberge verte à Paris (cf. "Le pauvre songe" de Rimbaud), centre de documentation consacré Rimbaud, Verlaine, Baudelaire, Artaud et aux auteurs surréalistes, Rémi Duhart nous invite à la Maison de la Poésie pour découvrir un texte d’Antonin Artaud "Van Gogh le suicidé de la société".

Un événement hors du commun, du non-théâtre qui n'est ni une lecture ni une interprétation, au cours duquel il veut nous transmettre le verbe d'Artaud ainsi que nous faire comprendre la souffrance comme celle de Van Gogh mais également de la sienne propre.

Rémi Duhart a accepté de nous parler de son travail, de la poésie, de lui. Un très beau et singulier moment pour une interview bouleversante entre ténèbres et éblouissement.

Quelle est la genèse de ce spectacle?

J'ai très souvent dit les textes d'Antonin Artaud dans la rue, dans les théâtres et dans les squats et j'ai joué "Pour en finir avec le jugement de Dieu", "Les lettres ouvertes" et je me suis décidé un jour à faire le "Van Gogh le suicidé de la société". Je voulais le faire dans un squat et j'en ai parlé à Claude Confortés. Or, il a collaboré à un concours de poésie à Rodez et même déposé un poème. Il y a rencontré une dame qui venait de créer la fondation Antonin Artaud et qui pensait créer un spectacle pour la mise à feu de cette fondation. A Rodez, il y a le mois Artaud en mars-avril. Claude Confortès m'a donc demandé si je voulais faire le Van Gogh avec lui et j'ai dit : "Pourquoi pas ?" Nous l'avons donc crée à Rodez le 25 mars 2003 avant de venir ici à la Maison de la Poésie.

Quelle est sa finalité?

Sa finalité est multiple. Pour moi, comme pour tout autre texte, mais peut être plus spécialement pour celui-ci, est de me faire comprendre dans la mesure où le texte d'Artaud est interprétatif. Je pense que le rôle de l'acteur est le fait de pouvoir apporter quelque chose lui-même au texte sans vouloir prétendre que l'auteur ait voulu dire ceci ou cela. Ma détermination est justement à la fois de parler du problème psychiatrique qui a concerné Artaud et Van Gogh et moi-même j'ai une expérience personnelle assez longue de la médecine et je suis plus à l'aise dans ce thème.

La finalité du spectacle est que les gens comprennent ce qu'Artaud a voulu dire. Avant la représentation, il m'est arrivé de recueillir des impressions de gens qui disaient que c'était bien mais je reste persuadé qu'ils n'ont pas lu le texte. Et comprendre le texte d'Artaud est très obscur.

Ma finalité personnelle est de me faire comprendre non seulement au niveau du sens mais de la compréhension sur la souffrance de ces êtres et, peut-être est-ce un peu impudique, à faire passer la mienne par ce biais-là. Savoir qu'on ne fait pas les choses par hasard, d'ailleurs il n'y a pas de hasard. Il y a toujours un lien. L'absence de lien fait que ça manque d'authenticité. Là je sais un tout petit peu de quoi je parle. Et si je sais un petit peu de quoi je parle, j'arrive à, non pas mieux convaincre, mais à faire comprendre ce qui s'est passé et ce qui se passe.

Pensez-vous que des textes comme ceux d'Artaud soient fait pour être dits, interprétés, incarnés sur scène ?

Oui, bien sûr ! Cent fois oui ! "Toute poésie destinée à n'être que lue et enfermée dans sa typographie n'est pas finie. Elle ne prend son sexe qu'avec la corde vocale tout comme le violon prend le sien avec l'archet qui le touche". N'importe quel texte, et spécialement celui d'Artaud peut-être, ceux de Rimbaud, de Lautréamont, de Jean Genet, qui sont des auteurs que je suis, surtout ces auteurs là sont absolument des auteurs de qui il faut faire entendre la voix parce qu'ils sont morts bien sûr mais aussi parce qu'ils ont tenté de faire passer un message pour moi essentiel.

Il est essentiel pour moi et je prends un peu le taureau par les cornes car dire un texte d'Artaud ou des auteurs que j'ai cités n'est pas de tout repos. Ou si c'est quelque chose de tout repos, alors ce n'est pas la peine de le dire. Les gens qui prétendent qu'il faut dire les textes comme ils sont sans en rajouter c'est inutile. Si on se permet de prendre le texte en bouche, il faut apporter quelque chose au texte. Si on n'apporte rien autant laisser à la personne le soin de le lire elle-même. D'ailleurs interprétés sur scène mais la scène est multiple, elle peut être dans la rue. Ce n'est pas qu'une histoire de théâtre.

Dans ses notes de mise en scène Claude Confortès parle de non-théâtre. Pouvez-vous nous en dire plus?

Je suis un peu à l'origine de ce terme. Je vais vous raconter une histoire. Je travaille avec Claude depuis près de 14 ans et un jour nous parlions théâtre et nos avis divergeaient. Il m'a lancé : "De toute façon, toi ce que tu fais ce n'est pas du théâtre". Sur l'instant j'en ai pris un peu sur mon amour propre mais j'ai réfléchi et je pense qu'il a raison. Ça n'a jamais été du théâtre. Et Claude sait de quoi il parle. S'il y avait un autre interprète pour ce texte on aurait peut être pu parler de théâtre. Le non théâtre est peut être inapproprié mais le théâtre est quelque chose qui nous sépare d'une certaine réalité. Je pense qu'Antonin Artaud l'a dit : "Le théâtre a dévoré certaines énergies essentielles". Car, même s'il dit aussi que le théâtre est la genèse de la création, il y a au théâtre une sorte de comédie et le spectateur vient pour se divertir et il n'a pas conscience que ce qui est dit est réel car les acteurs jouent. Or moi quand je suis sur scène, je ne joue pas !

Je suis plus près à mes yeux d'une vie essentielle et de vouloir transmettre non pas un message mais, et c'est prétentieux, l'essence de ce qui peut être dit. L'essence du texte. Faire passer la vie et non la comédie. La souffrance on la connaît ou pas mais quand on la connaît et qu'on approche des textes comme ceux d'Artaud on peut avoir peut être une approche qui est autre que la simple récitation avec cœur ou bien le débit d'un discours ou d'une conférence. On pourrait d'ailleurs envisager "le Van Gogh" comme une conférence, comme Artaud l'a fait en 1946 dans la conférence au Vieux Colombier. Je pourrais m'asseoir avec un verre d'eau et expliquer les choses. Mais il se trouve que mon engagement est tel que ce texte me permet aussi d'avoir, pour moi-même, une tribune, de montrer que ce que l'on fait là ce n'est pas rien. Des spectateurs ont dit que c'était presque insupportable jusqu'à dire qu'en sortant du spectacle ils étaient fatigués. C'est inoui.

Faites-vous du théâtre d'incarnation?

Non. Quand j'entends incarnation, je pense à réincarnation c'est-à-dire devenir un peu quelqu'un d'autre. Pour moi, il ne s'agit pas de cela. Les textes d'Artaud me donnent un moyen de transmettre ce qui se passe peut être chez moi, en moi. Je suis incapable d'écrire de tels textes et j'utilise, d'une certaine manière, Antonin Artaud mais je ne crois pas que je le trahis. Le travail sur Van Gogh a été un travail de très très longue haleine. Nous avons eu une cinquantaine de répétitions avec Claude mais j'ai répété seul pendant des jours. Il y a un énorme travail derrière mais le public n'a pas à le savoir.

Le public est un peu comme le disait Céline une personne qui effectue une croisière. Il n'a pas à s'occuper de ce qui se passe dans les soute ou dans la cuisine. Il est là pour jouir des cocktails et de la fraîcheur des vents. Il n'est pas là pour voir le travail mais assister au résultat. Quant à la réincarnation, il est vrai que je le sens tellement fort à mes yeux que souvent les gens font une transposition en disant "Il ressemble à Artaud !". Quand vous vous engagez à fond, surtout avec de tels textes, il ne s'agit pas de dédoublement de la personnalité ou de devenir quelqu'un d'autre mais la force de l'engagement rend difficile de faire la part des choses.

Il n'y a pas une recherche de rentrer dans un personnage d'ailleurs Antonin Artaud n'était pas un rôle. Je n'ai pas à tenir le rôle d'Antonin Artaud. J'ai à dire le texte du mieux possible avec le plus de mes tripes, de mon cœur, de mon esprit, tout ce que je peux et par ce biais là il y a un reflet qui se fait mais j'ai trop de respect pour cette oeuvre pour me dire que je suis même capable de la transmettre comme il faut. Je la transmets comme je la ressens. Et je vous assure que je fais tout ce que je peux. Vous avez dû le voir.

Comment avez-vous travaillé?

Avec Claude, nous avons fait des approches de mise en scène, moi j'ai appris seul le texte en entier, les 76 pages. Aux répétitions, nous nous sommes rendus compte que c'était trop long et nous avons dû faire des coupures. J'ai dû réapprendre le texte. Ça s'est passé très simplement. Sur scène, j'ai quelques initiatives d'approche, de déplacement, de temps. Tout cela ne dépend pas de la mise en scène mais de l'humeur dans laquelle je suis quand je joue. Je reste enfermé dans un certain carcan. La structure, la carcasse de la mise en scène existe. Quand je vais vers le tableau les corbeaux, le geste peut être différent. Il y a une base.

Comment analysez-vous le texte d'Artaud?

Je n'analyse pas le texte. Ou alors si je dis que j'analyse le texte ce qu'il faut à mon avis c'est essayer d'être le plus honnête possible avec ce qu'on lit. Il y a des choses qui échappent et dans ce cas il faut trouver un sens et pour un texte comme le Van Gogh j'ai trouvé un sens par approche quand je le lisais mais aussi quand je le disais. Certains passages obscurs à la lecture ont pris du sens quand je les ai dits. A ce moment là j'ai pris des notes pour structurer l'ensemble. J'ai fait une analyse mais une analyse logique comme on fait pour les poèmes pour essayer d'avoir une cohérence et donc une éloquence. Mais ne s'agissant pas de texte versifié, l'analyse logique est assez simple. Il y a des termes non communs dont il faut chercher le sens pour leur donner une couleur dans le texte. Mais il y a des mots que je n'ai pas trouvé dans le dictionnaire. J'utilise alors les mots qui les entourent.

Mais tout expliquer est difficile car je travaille surtout par les sens. Je n'ai jamais pris de cours de théâtre. Toutes mes approches du théâtre sont autodidactes au niveau de la diction, du souffle, du débit, de la rigueur de la diction. J'ai tout appris par moi-même au fur et à mesure que je disais les textes. J'ai commencé à 8 ans et cela a pris de l'importance dans ma vie quand j'avais 20 ans. Mais tout cela est une sorte de ragoût. C'est une progression. On ne naît pas comme cela. Il y a une sorte de vie commune avec le texte, un échange permanent avec le texte, un combat, une lutte et aussi une grande fraternité. Le texte ce n'est pas rien, ce n'est pas que du texte imprimé ni quelque chose à apprendre. Il faut l'appréhender, le sentir en soi. Si je ne le sens pas, je ne le dis pas parce que je ne veux pas tromper.

Les deux points communs de Van Gogh et d'Artaud paraissent d'être des génies artistiques et d'avoir été victime de la psychiatrie asilaire. Ne pensez-vous pas que l'empathie d'Artaud pour Van Gogh ne tient qu'à ses deux points communs?

Non, je ne crois pas du tout. Je pense si c'était le cas, que Artaud n'aurait pas écrit ce texte. Il n'y a pas seulement une réaction d'Artaud contre un docteur qui avait diagnostiqué la maladie de Van Gogh, ce qui a mis le feu aux poudres. S'il ne s'agissait que de cela il n'aurait pas fait de description de tableaux. Il aurait davantage écrit sur le problème médical et psychiatrique. Il aborde celui-ci parmi les sujets de la peinture et de la misère que Van Gogh a traîné toute sa vie et même au delà de la mort puisqu'il avait la gangrène gazeuse qui dégageait une odeur terrible et devant être vite enterré on avait confectionné un cercueil de fortune. Lors des funérailles, il y avait un liquide brunâtre qui suintait à travers les interstices des planches. C'est horrible !

L'approche d'Artaud est totale et complète et ne se limite pas à la psychiatrie. Artaud dessinait aussi et savait de quoi il parlait quand il décrivait la force et la puissance de Van Gogh le peintre. Et cela n'avait rien d'une mode ; il s'agissait d'un engagement, presque une profession de foi de sa part. Le texte parle aussi de la culture turque et d'autres. Il ne parle pas que de la psychiatrie. Le titre est évocateur. Pourquoi y a-t-il eu ce suicide? Artaud ne l'explique pas que par la psychiatrie mais Artaud a été suicidé lui-même aussi et il dit : "Nous sommes tous suicidés de la société". Et beaucoup n'ont pas connu l'hôpital psychiatrique. Je pousse peut être le bouchon un peu loin mais ce texte est universel comme Van Gogh est universel et comme Artaud l'est presque déjà. Parce que son œuvre n'est pas connue.


Partagez-vous l’analyse de Michel Foucault qui dans l'Histoire de la folie, écrit que l’œuvre d'Antonin Artaud se joue avec et contre la folie, comme démesure négative absolue "L'œuvre d'Artaud éprouve dans la folie sa propre absence, mais cette épreuve, le courage recommencé de cette épreuve …tout cet espace de souffrance physique et de terreur qui entoure le vide ou plutôt coïncide avec lui : voilà l'œuvre elle-même" ?

C'est très compliqué ça ! Je ne suis pas tout à fait sûr qu'Antonin Artaud était fou. On est toujours le fou ou le con de l'autre et sa folie on en parle comme de quelque chose d'irrationnel. Or, la folie d'Artaud n'est pas irrationnelle et n'est donc pas folie. Elle est folie par rapport à ce qui l'entoure. Il y a folie pour certains êtres qui conduit à être un danger pour eux-mêmes ou pour les autres. A ma connaissance, Antonin Artaud n'a jamais constitué un danger pour lui-même ou pour les autres. Jamais ! C'était un poéte mais il y a quelque chose de plus écorché chez lui que d'un écorché vif expression un peu lapidaire. Dire qu'Artaud était un écorché vif serait réducteur.

Artaud était au dessus ou au dessous de tout cela. Quand il dit : "Et vous tabétiques, cancéreux, méningités chroniques vous êtes des incompris. Il y a un mal en vous que nul médecin ne comprendra jamais. Et c'est ce mal pour moi qui vous sauve, vous rend auguste, pur, merveilleux. Vous êtes hors la vie, au dessus de la vie. Vous avez des maux que l'homme ordinaire ne connaît pas. Vous effacez le niveau normal et c'est de quoi les hommes vous tiennent rigueur. Vous empoisonnez leur quiétude, vous êtes des dissolvants de leur stabilité. Non, nous ne sommes pas fous ! Nous ne demandons rien aux hommes, nous ne leur demandons que le soulagement de nos maux." C'est tout.

Si Antonin Artaud a demandé le soulagement de ses maux, on lui a donné des médicaments et puis après quand on ne pouvait plus le traiter on l'a enfermé. Est-ce parce qu'il était fou ou parce qu'il souffrait. On ne peut pas le savoir. Les fous sont aussi des gens qui souffrent. Artaud le dit dans Van Gogh :" Il y a dans tout dément un génie incompris dont l'idée qui luisait dans sa tête fit peur et qui n'a pu trouver que dans le délire une issue aux étranglements que lui avait préparé la vie."

C'est clair ça. Pour ma part, je situe la folie dans les comportements qui peuvent entraîner un danger pour soi ou pour les autres. A ce moment là il faut pouvoir intervenir. Artaud ne l'était pas. Et il y a beaucoup de gens comme lui. Antonin Artaud et Van Gogh étaient hors du commun. C'est facile à dire aujourd'hui mais de leur vivant, ils passaient pour des dingues, des demeurés et personne ne s'intéressait à eux ou si peu. Il a fallu attendre leur mort . "La lumière ne se fait que sur les tombes".

On commence à comprendre, non pas le personnage, mais ce qu'il voulait dire car le personnage on ne le comprendra jamais. Il était trop immense, trop multiple! Comme Van Gogh! Et quand on ne comprend pas ou c'est le génie ou c'est la folie. Mais souvent l'un va avec l'autre. De son vivant on a sans doute pris Léonard de Vinci pour un original.

Quant à la folie, essayez de trouver un seul témoignage de la folie dans l'œuvre d'Antonin Artaud ! Essayez de trouver un seul élément permettant de dire qu'il était cinglé ! Il était malade de ce qu'il était mais il n'était pas malade pour être traité par la médecine ! Et je sais de quoi je parle ! La médecine existe aussi pour se donner une raison d'être. Quand elle réussit à guérir, elle est contente et elle a la gloire. Mais quand il crève, c'est la faute à pas de chance ou même au malade ! C'est le malade qui ne va pas avec la médecine ! Qu'est ce qu'une maladie grave ? C'est une maladie qui n'est pas contrôlée par la médecine. Et ça c'est dégueulasse ! Il y a cent ans la tuberculose était une maladie grave qui est soignée maintenant et donc elle est moins grave. Je vais peut être me faire des ennemis parmi les médecins. En tant que malade, on se livre aux médecins. Il faut savoir tout ce que l'on fait aux malades. Il faut accepter ce que l'on vous fait. Quand on est dans le mal, soit on accepte soit on reste dans le mal. Un médecin m'a dit : "Monsieur, ce n'est pas possible que vous ayez mal comme ça ! Allez voir un psychiatre ou un psychologue !" Je me suis entendu dire ça! Même si je suis sourd !

Une chose parait importante par rapport à Van Gogh : son analyse de la dernière œuvre de Van Gogh, les corbeaux volant au dessus d’un champ de blé, qui est considérée comme le tableau dans lequel l'oeuvre et la psychose de Van Gogh se confondent, et qui témoigne de la sensibilité d’Artaud dans la réception de l’art, de la perception du génie artistique.

Il n'est pas sûr que la dernière oeuvre peinte par Van Gogh soit celle-ci. Enfin, peu importe. La dernière toile qu'il a peinte précède son suicide et pour nous c'est sa dernière toile. Il peut y avoir quelque chose de symbolique par rapport à nous, par rapport à Antonin Artaud, qu'en fonction du suicide. Personnellement je ne pense pas qu'il y ait quelque chose de plus symbolique dans les corbeaux que dans une autre toile de Van Gogh, notamment celles peintes à Auvers sur Oise. Il y a dans Van Gogh presque autant de tourments et de malaise dans les chaumières d'Auvers sur Oise.

Les corbeaux dans un champ de blé est une oeuvre à la mode. Ce tableau est merveilleux mais on élude un peu le reste, les tournesols, le champ de blé à l'alouette. On crée un peu un mythe autour de ce tableau. Dans son texte, Artaud décrit deux fois ce tableau qui a dû beaucoup le marquer. Beaucoup de toiles sont aussi écrasantes, suffocantes, convulsées, tourmentées. Pour moi, ce tableau n'a rien de spécial par rapport à ce que voulait montrer Van Gogh. Ce tableau est trop à la mode et ça c'est un peu emmerdant !

Les personnalités de Van Gogh et d’Artaud amènent immanquablement une réflexion sur les interactions entre l’art, la folie, le génie et les relations – voire les réactions – de la société face aux artistes. Est-ce aussi dans votre projet que de susciter ces réflexions ?

Il s'agit d'une question difficile car je ne me considère pas comme un porte-parole. Peut être comme quelqu'un qui met le texte à la portée de ceux qui viennent m'écouter, donner un témoignage de ma propre expérience par ce texte. Je ne suis pas là pour apporter un message. Je suis là pour transmettre le texte et c'est à vous d'en prendre ce que vous voulez et c'est à vous de vous démerdez avec ! Si j'ai pu éveiller quelque chose en vous, tant mieux. Positif ou négatif l'essentiel c'est d'éveiller quelque chose. L'approche et la réalisation que vous aurez ou que vous n'aurez pas après, cela vous regarde. Je ne suis pas celui qui dit : "Vous avez été méchant avec Van Gogh, avec Antonin Artaud vous allez en prendre plein la gueule parce que vous êtes des salauds et moi pas".

Car je fais partie aussi de ces gens qui viennent écouter. A l'époque je ne sais pas si je n'aurais pas réagi comme les autres. Aujourd'hui nous aimons Artaud et Van Gogh avec un certain confort, le confort du passé, le confort de leur propre mort et de tous ceux qui ont parlé d'eux. Mon intérêt est très confortable. A l'époque je n'aurais sans doute pas eu la lucidité de pouvoir comprendre même le millième de ce que ces artistes voulaient transmettre. Et j'avoue que les artistes d'aujourd'hui ne me disent pas grand chose et dans cent ans on criera au génie ! Il n'y a pas grand chose aujourd'hui qui excite mon œil en peinture, de même au niveau de la poésie. C'est aussi une question de goût. Mais aujourd'hui, avec les moyens de communication, il se produit une sorte d'identification collective qui détruit un peu ces fortes personnalités et dès que quelqu'un fait quelque chose d'un peu original, on crie au génie. Je pense que s'il y a des génies aujourd'hui, ils sont en train de crever.

Vous êtes passionné de poésie. Que pensez-vous de sa place dans la culture française contemporaine et dans l'éducation ?

Je ne sais pas dans l'éducation mais ma petite nièce qui est à l'école primaire n'apprend plus de récitations. Moi j'ai commencé au cours préparatoire en apprenant des récitations et c'est comme ça que j'ai attrapé le virus. Et cela me fait vivre de façon très intense à mes yeux. La poésie c'est comme la peinture ! Je vais souvent dire des textes au Marché de la poésie quitte a emmerder un peu les marchands mais je ne lis pas beaucoup de grande poésie aujourd'hui. Léo Ferré disait : "La poésie fout le camp" en s'adressant à François Villon. Je ne connais pas de grands poètes à notre époque…enfin bon.

La place de la poésie ? Elle a peut être une image emmerdante. Il faut reconnaître que les poèmes quand ils ont mal lus ne donnent pas envie d'aller plus loin. En revanche, quand ils sont bien dits, avec force, avec rage, avec enthousiasme, avec décision et volonté, là les gens tournent un peu la tête. Mais il faut reconnaître aussi qu'ils sont beaucoup pris par le jeu de celui qui déclame. Ils suivent plus souvent le pitre, le clown ou celui qui défend une idée avec cœur que le sens du texte.

La poésie est une chose vague, imprécise, insaisissable qui est un peu partout et qu'il faut saisir par ci par là. Verlaine disait : "De la musique avant toute chose et pour cela préfère l'impair plus vague et plus soluble dans l'air sans rien en lui qui pèse ou qui pose".

La poésie peut être un refuge. Celui qui lit la poésie comme un roman c'est très rare. Je ne sais pas quelle place à la poésie. Je sais quelle place je veux lui donner. Je suis un tout petit filtre mais la poésie quand elle marche elle devient quelque chose de commercial…et encore… Je ne crache pas sur la société dans laquelle je vis, ni sur mon époque.

La poésie pourrait naître chez une personnalité très forte mais cela est très rare à notre époque. Ça devient vite un cliché. Il y a une chose d'intéressant qui a commencé aux Etats-Unis, même si je me fous royalement des Etats-Unis, ce sont les soirées dans les bistrots dans lesquels on lit des poèmes. C'est venu un peu sur Paris et j'ai participé un peu à cette expérience mais leur façon de procéder était emmerdante au possible. Pierre Fresnay était un très grand comédien et Paul Léautaud était allé à un récital de poèmes de Fresnay dont il a dit "C'était rasoir! Le pauvre malheureux n'a jamais su dire les vers". Or Léautaud quand il avait dit ses poèmes à la radio dans ses entretiens avec Robert Malet il sentait le texte.

Quand on dit un texte en le lisant, on n'arrive jamais à y mettre l'intention. Il faut savoir le texte, l'avoir dans son corps, il faut l'appréhender dans son sang, dans ses membres, dans sa chair, dans ses nerfs, dans son sexe, dans son cerveau, il faut que ça passe partout. Lire le texte à la cantonade avec cœur, avec envolée, avec enthousiasme c'est bien de le faire mais je n'ai rien à voir avec cela. Mais celui qui ne connaît pas la poésie n'aura pas envie d'en savoir plus après ce genre de lecture.

Je vois souvent au Marché de la poésie des recueils comportant plus d'une centaine de poèmes. Qu'est ce que cela veut dire? Un recueil de poèmes doit être un objet total c'est-à-dire que les poèmes qu'il contient entretiennent un rapport entre eux. Le titre est adressé à tous les poèmes et pas un titre indépendant ou dépendant d'un seul texte. Les poèmes doivent avoir une histoire entre eux, une vie commune avec l'auteur. Quand on voit l'édition originale des "Romances sans paroles" de Verlaine c'est extraordinaire : chaque poème très court est situé au milieu de la page comme un petit bijou posé sur l'immaculé. La poésie est partout, ici et là comme disait Trénet. On peut avoir un long poème comme "Le bateau ivre" de Rimbaud qui est un éblouissement comme "Les vaincus" de Verlaine qui est un écrasement une force humaine qui est tout ce que peut être un poème.Je n'ai pas lu de bons poèmes aujourd'hui. Il y en a sûrement mais c'est comme une aiguille dans une botte de foin. Souvenez-vous de ce vers de Verlaine : "L'espoir lui comme un brin de paille dans l'étable".
Ça !

Rimbaud n'avait pas les moyens de payer l'imprimeur pour "Une Saison en enfer" qui a été publié dans un papier "carolopomerdique" comme disent les rimbaldiens parce que Rimbaud était de Charleville, un papier de merde qui tombe aujourd'hui en petits morceaux. Après Léon Pichon de Bruxelles a fait une édition monumentale de format gigantesque avec une typographie magnifique. Mais Rimbauld avait fait un petit livre ! Un poème doit faire mouche immédiatement. Enfin pour moi. J'ai mon caractère et mon goût. Il y a d'ailleurs de poètes qui sont dans la littérature française et qui ne sont pas de mon goût. Mais je préfère aussi être limité quant aux auteurs car je les approche au fil du rasoir et même si le rasoir est un peu loin, je fais tout ce que je peux. Ma seule détermination est de me faire comprendre et de montrer que je suis de bonne foi. Ça on ne peut pas me le reprocher !

Qu'on me comprenne ! Qu'on comprenne ce que je dis ! Je ne parle pas dans le désert. Je vais vous donner un exemple pour vous montrer que le désert existe à notre époque pour la poésie.

Au Marché de la poésie, place Saint Sulpice, il y a beaucoup de marchands qui vendent de la poésie. Ce sont essentiellement des marchands et à notre époque les véritables maîtres de la société ce sont les marchands. Je commence mes récitals sauvages ainsi. Je me mets à bonne portée des marchands pour avoir un peu d'espace et je commence par Préface de Léo Ferré : "La poésie contemporaine ne chante plus. Elle rampe. Elle a cependant le privilège de la distinction, ne fréquente pas les mots mal famés, elle le ignore" Il y a toute une diatribe contre la poésie moderne. Je commence et après le mot cependant je m'interromps et je m'approche d'un marchand en lui demandant : "Vous avez entendu ce que j'ai dit monsieur ?" "Oui, oui." "Qu'est ce que j'ai dit?" "Ben vous avez dit que…" "J'ai dit que la poésie contemporaine ne chante plus, elle rampe."
"Oui, oui." "Vous vendez des livres. Vous avez entendu ce que j'ai dit et vous ne dites rien ?" " Qu'est ce que vous voulez que je dise?" "Je vous dis que vous vendez quelque chose qui rampe". Il ne savait plus que répondre."Je parle dans le désert alors ?".Il me répond :" Mais ce que vous dites Monsieur, on s'en fout !". Je lui réponds : "D'accord vous vous en foutez. Mais pourquoi vous l'écoutez alors?"

Le désert….

Je suis persuadé que dans la première partie du Van Gogh quand je dis "Dans votre tressautement organique interne il y a comme un pli etc…" toutes ces choses les gens le prennent un peu pour eux mais aussi avec du recul car ils savent qu'ils sont au théâtre. Plus l'événement avance et plus ils se rendent compte de mon engagement et qu'ils se sentent davantage concernés. Et là alors j'ai réussi mon boulot.

Mais quand je dis :" Il est à peu près impossible d'être médecin et honnête homme", les médecins présents dans la salle ne prennent pas cela pour eux car c'est me donner trop d'importance, c'est donner trop d'importance à quelqu'un comme Artaud qui est fou. Mais pourquoi ne le font-ils pas ? Je ne suis pas là pour les attaquer mais ils sont devant quelqu'un qui dit un texte et en sont détachés. C'est le drame du théâtre !

Voilà pourquoi je fais du non théâtre. Et que je poursuis ce qui doit être entendu ! Comment faire pour transmettre ce qu'on dit ? Je vais vous le dire. Il faut transmettre par les sens et non par le sens. Par le sens, les gens ne suivent pas car beaucoup regardent TF1 et quand on regarde TF1 c'est caricatural. Même si je n'y parviens, qu'on comprenne que je fais tout ce que je peux ! Et cette force-là est perceptible! Et c'est déjà pas mal ! Ce qui peut donner la curiosité d'aller vers le texte d'Antonin Artaud pour essayer d'y voir un peu plus clair. Si vous approchez son texte, j'ai peur que vous sombriez plus bas, dans les plus grandes ténèbres parce que moi-même j'y sombre. Je ne mets pas Artaud sur un piédestal mais avec de telles personnes, comme Rimbaud qui était une cathédrale, on ne peut pas les approcher. On peut approcher leur œuvre mais surtout pas avec humilité !

Il ne faut être un petit enfant respectueux face à une grand oeuvre. Non ! Il faut avoir de la poigne, de la force, parce que ces gens n'étaient pas rien et qu'ils ne veulent pas qu'on les approche en les caressant dans le sens du poil. Il faut les prendre à bras le corps. Enfin c'est comme ça que je veux les prendre. Il faut prendre l'œuvre avec force, détermination, je dirais presque avec violence. Il faut se battre avec l'œuvre. Sur la scène je ne vous débite pas le texte, je lutte avec lui. Le texte m'attrape par la peau du cul et j'en fais autant ! Il me fout dans un coin, je me relève et je vais le rechercher dans un autre coin. C'est cette vie là qui est essentielle !

Il n'y a pas cela dans le théâtre. Enfin, je ne le vois pas dans le théâtre. Je prétends, sans l'affirmer, qu'il y a très très peu, qu'il est très très rare d'avoir un spectacle, une représentation qui secoue l'être humain peut être autant que ce que je fais. A mes yeux de cette façon, de la manière la plus authentique. Il y a des équilibristes qui font trembler les gens. Ce sont des gens merveilleux. Le funambule de Jean Genet : "On n'est pas artiste sans qu'un grand malheur sans soit mêlé". C'est cette chose-là, cette quintessence de l'expression qui n'est pas dans le théâtre. Encore à cause d'une identification collective : les gens veulent rigoler, se défouler, ne pas penser. Après une journée de travail, ils ne veulent pas entendre parler d'un suicidé. Mais ils n'en tirent rien. Et ils vont voir les spectacles de comiques qui les prennent pour des cons.

Quels sont vos projets après la Maison de la Poésie?

C'est la grande question. Je reprendrais sans doute le Van Gogh tant que je pourrais. Et puis, je vais faire un récital Rimbaud courant octobre à Charleville Mézières pour le colloque du 15Oème anniversaire de la naissance de Rimbaud.

Et puis continuer dans cette voie…jusqu'à épuisement.

 

A lire sur Froggy's Delight :

la chronique de "Van Gogh le suicidé de la société"


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# 14 avril 2024 : En avril, de la culture tu suivras le fil

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Du côté de la musique :

"Kit de survie en milieu hostile" de Betrand Betsch
"Let the monster fall" de Thomas de Pourquery
"Etat sauvage" de Chaton Laveur
"Embers of protest" de Burning Heads
"Sin miedo" de Chu Chi Cha
"Louis Beydts : Mélodies & songs" de Cyrille Dubois & Tristan Raës
"Arnold Schönberg : Pierrot lunaire" de Jessica Martin Maresco, Ensemble Op.Cit & Guillaume Bourgogne
"C'est pas Blanche-neige ni Cendrillon" de Madame Robert
"Brothers and sisters" de Michelle David & True Tones
"Prokofiev" de Nikita Mndoyants
"Alas" de Patrick Langot, Alexis Cardenas, Orchestre de Lutetia & Alejandro Sandler
"Symptom of decline" de The Black Enderkid
"Tigers blood" de Waxahatchee
"Not good enough" de Wizard
et toujours :
"Le carnajazz des animaux" de Dal Sasso Big Band"
"Deep in denial" de Down To The Wire
"Eden beach club" de Laurent Bardainne & Tigre d'Eau Douce
"Ailleurs" de Lucie Folch
"Ultrasound" de Palace
quelques clips en vrac : Pales, Sweet Needles, Soviet Suprem, Mazingo
"Songez" de Sophie Cantier
"Bella faccia" de Terestesa
"Session de rattrapage #5", 26eme épisode de notre podcast Le Morceau Cach

Au théâtre

les nouveautés :
"Tant que nos coeurs flamboient" au Théâtre Essaïon
Notes de départs" au Théâtre Poche Montparnasse
"Les chatouilles" au Théâtre de l'Atelier
et toujours :
"Come Bach" au Théâtre Le Lucernaire
"Enfance" au Théâtre Poche Montparnasse
"Lîle des esclaves" au Théâtre Le Lucernaire
"La forme des choses" au Théâtre La Flèche
"Partie" au Théâtre Silvia Monfort
"Punk.e.s" Au Théâtre La Scala
"Hedwig and the angry inch" au théâtre La Scala
"Je voudrais pas crever avant d'avoir connu" au Théâtre Essaïon
"Les crabes" au Théâtre La Scala
"Gosse de riche" au Théâtre Athénée Louis Jouvet
"L'abolition des privilèges" au Théâtre 13
"Lisbeth's" au Théâtre de la Manufacture des Abbesses
"Music hall Colette" au Théâtre Tristan Bernard
"Pauline & Carton" au Théâtre La Scala
"Rebota rebota y en tu cara explota" au Théâtre de la Bastille
"Une vie" au Théâtre Le Guichet Montparnasse
"Le papier peint jaune" au Théâtre de La Reine Blanche
des reprises :
"Macbeth" au Théâtre Essaion
"Le chef d'oeuvre inconnu" au Théâtre Essaion
"Darius" au Théâtre Le Lucernaire
"Rimbaud cavalcades" au Théâtre Essaion
"La peur" au Théâtre La Scala

Une exposition à la Halle Saint Pierre : "L'esprit Singulier"

Du cinéma avec :

"Amal" de Jawad Rhalib
"L'île" de Damien Manivel
zt toujours :
"Le naméssime" de Xavier Bélony Mussel
"Yurt" de Nehir Tuna
"Le squelette de Madame Morales" de Rogelio A. Gonzalez

et toujours :
"L'innondation" de Igor Miniaev
"Laissez-moi" de Maxime Rappaz
"Le jeu de la Reine" de Karim Ainouz
"El Bola" de Achero Manas qui ressort en salle
"Blue giant" de Yuzuru Tachikawa
"Alice (1988)" de Jan Svankmajer
 "Universal Theory" de Timm Kroger
"Elaha" de Milena Aboyan

Lecture avec :

"L'origine des larmes" de Jean-Paul Dubois
"Mort d'un libraire" de Alice Slater
"Mykonos" de Olga Duhamel-Noyer
et toujours :
"Des gens drôles" de Lucile Commeaux, Adrien Dénouette, Quentin Mével, Guillaume Orignac & Théo Ribeton
"L'empire britanique en guerre" de Benoît Rondeau
"La république des imposteurs" de Eric Branca
"L'absence selon Camille" de Benjamin Fogel
"Sub Pop, des losers à la conquête du monde" de Jonathan Lopez
"Au nord de la frontière" de R.J. Ellory
"Anna 0" de Matthew Blake
"La sainte paix" de André Marois
"Récifs" de Romesh Gunesekera

Et toute la semaine des émissions en direct et en replay sur notre chaine TWITCH

Bonne lecture, bonne culture, et à la semaine prochaine.

           
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