De passage à Paris pour la sortie du nouvel opus High Violet, Aaron Dresner et Matt Berninger se sont de nouveau prêté au jeu de l'interview pour Froggy's Delight.
Comment s'est passée la conception de l'album ?
Matt : On n'avait pas d'idée de ce que l'on allait faire. Après Boxer, on a beaucoup tourné. On n'a pas fait de pause, chacun de notre côté, comme on le fait habituellement. Puis on a construit notre propre studio dans le garage d'Aaron. On a fait quelques ébauches musicales. C'était un nouveau processus pour nous, plus simple et plus fluide. Beaucoup de temps a passé pendant lequel Aaron et son frère, Bryce, ont enregistré, mixé des idées. C'était il y a un an. On n'avait aucune idée de ce à quoi ressemblerait l'album jusqu'à ce qu'on l'ait presque fini.
Aaron : Grâce à notre studio, le processus fut plus "organique". Dès qu'on avait une idée, on pouvait la mettre en pratique. Cela nous a permis d'enregistrer plus. On a eu plus de temps pour expérimenter. On réessayait jusqu'à trouver le bon tempo, les bonnes structures, pour finalement trouver LE son de l'album.
A quoi ressemble-t-il ?
Aaron : Déjà, il y a plus de titres. Onze pistes mais avec des multipistes sur certaines. Mais surtout, il sonne plus "home-made", plus morcelé, lo-fi aussi. Il est à la fois orchestré et très développé, et en même temps "home-made", étrange et sombre. On aime beaucoup ce mélange, cette complexité au niveau du son. On ne voulait pas qu'il soit trop propre et travaillé.
Y a-t-il de nouvelles collaborations ?
Matt : La façon dont on travaille est très intuitive et lente. On fait beaucoup de choses, on en retire. Du fait de travailler dans notre propre studio, beaucoup de gens sont passés, ont fait des chansons avec nous : Panda Newson, Sufjan Stevens, Richard Reed Perry d'Arcade Fire.
Aaron : Sa voix est notamment sur "Sorrow", "Conversation 16". Il est très bon pour organiser les voix. On n'aurait jamais pensé à la structurer comme il l'a fait, c'est très étonnant. Il y a environ trente invités. Beaucoup ont fait de l'orchestration.
Comment travaillez-vous tous les cinq ?
Matt : On ne travaille pas ensemble comme en jam. La première moitié du processus se fait seul. Ensuite on construit ensemble. L'un a une idée, l'enregistre, me l'envoie et à partir de ces fragments, j'essaie de voir comment chanter dessus.
Vous habitez toujours à Brooklyn ?
Matt : On habite tous à Brooklyn depuis environ 10 ans et on va y rester encore un moment.
Quelles sont les différences avec les précédents albums ?
Matt : Quand on a fait Boxer, on le voulait très différent d'Aligator. On a fait quelque chose de plus élégant, de plus moody. Cette fois, on voulait quelque chose de plus sale, de peut-être moins austère. On a eu l'idée de faire des textures sales, agressives. Cela nous a pris beaucoup de temps de trouver les sons que l'on n'avait jamais expérimentés avant. On a délibérément mis de côté nos habitudes. J'ai évité d'écrire des paroles. Je ne pensais qu'aux mélodies, pas tellement aux mots. Les autres aussi ont essayé de jouer différemment. Autant qu'on pouvait, on voulait éviter Boxer.
Aaron : La principale différence est dans la voix. Matt chante plus haut. Boxer est méditatif, plus confessionnel, plus restreint aussi. Ceui-ci est plus dynamique d'une manière générale. Il y a aussi des différences sonores, une différence de texture. Il y a des "slow moving melodies", beaucoup d'orchestration, de jolies harmonies sur lesquelles apparaissent quelques petites maladresses. Des choses étranges arrivent au niveau du son sur cet album. Boxer est très joli, satisfaisant. Tout est là, tout fait sens.
High Violet est un peu pus dissonant, plus brut. Les choses arrivaient et on les enregistrait spontanément. Il y a quelque chose de décontracté. Sur "Little Faith" par exemple, on entend un groupe s'entraîner. J'explique une chanson à Bryan. Normalement ses parties de batterie sont très organisées, très travaillées, très composées. Mais sur ce morceau, c'est plus spontané, plus expressif. Pendant ce temps, mon frère faisait des loopings avec sa guitare pour nous accompagner et on a enregistré tout ça. Il y a beaucoup d'exemples de ce type sur l'album. C'est une jolie découverte pour nous, qu'on puisse être décontracté dans notre façon de faire un abum. J'aime vraiment beaucoup cet album, ce son. Il n'est pas sophistiqué. Peut-être qu'il ne marchera pas à la radio...
Quel est votre morceau préféré ?
Aaron : Je suis fier de chacun d'eux, je pourrais les écouter en boucle. Je dirais "Little Faith", "England", "Runaway", "Conversation 16", mais je ne sais pas. "Terrible Love" ? La plupart d'entre eux je suppose.
Et toi Matt ?
Matt : Je ne peux pas les séparer. Ils ne font qu'un.
Que signifie High Violet ? A quoi fait-il référence ?
Matt : Il est venu à la fin. On voulait qu'il soit dépourvu de sens, qu'il ne permette pas d'imaginer l'album. Il fait référence à une idée, un état d'esprit, une essence abstraite. Mais il ne signifie rien littéralement.
Savez-vous quels seront les singles ?
Aaron : Peut-être "Bloodbuzz Ohio" en premier puis "Anyone's Ghost", peut-être "Sorrow". Plusieurs options sont possibles mais ce n'est pas nous qui décidons.
Des artistes vous ont-ils marqué dernièrement ?
Matt : J'aime beaucoup The XX. En vérité, quand je travaillais sur cet album, je n'écoutais pas grand chose d'autre. Je n'avais pas l'énergie nécessaire. Je passais tout mon temps avec mon casque sur les oreilles pour travailler, j'ai dû louper pas mal de choses. Je vais m'y remettre.
Aaron : Pareil. Mais le nouvel album de Joanna Newsom est très étonnant. J'aime beaucoup The Volcano Choir, c'est un peu étrange mais j'aime beaucoup.
Pour finir, que pensez-vous du public français ?
Matt : On vient de New-York mais Paris est le premier endroit où on a eu un public, donc on est très reconnaissant. Maintenant le public devient dévoué et attentif partout où nous allons mais il se trouve que la façon d'être attentif, typiquement français, correspond à la façon dont on fait de la musique.
Merci pour vos réponses et bon courage pour la tournée qui vous attend ! |