Il y a les inventeurs et il y a les autres. Disons le tout de suite : We are scientists ne sont pas des inventeurs, malgré ce que leur nom pourrait indiquer ; ce sont les autres – une partie tout au moins, car des autres il y en a plein.
C'est d'ailleurs leur intérêt, aux autres, de n'être pas qu'un, mais multitude. C'est eux qui populariseront les inventions, combleront les intervalles entre les nouveautés. Ils sont les apôtres, les messagers, les vulgarisateurs, les hérauts, les figurants. Il y a un sacré mérite à l'être l'un de ces autres, tout le monde ne peut pas tous les jours révolutionner la musique.
We are scientists ne révolutionne donc rien. Mais il permet de confirmer que le rock se porte bien, qui peut se permettre un grand nombre de formations de second ordre, tant il a de fans à combler, d'affiches de festival à remplir. We are scientists est en effet le groupe idéal pour gonfler une programmation aux ambitions quantitatives maximales : presque dix années d'existence, quatre albums, un batteur débauché de Razorlight, autre formation de même calibre, quelques morceaux presque tubesques, que l'on saura vaguement reconnaître sans savoir de qui ils sont (ce qui doit bien signifier qu'ils appartiennent à l'esthétique universelle, right ?), un son, surtout, bien dans l'air du temps, qui s'accordera avec toute programmation, qui ne dérangera pas trop l'auditeur.
Barbara, son quatrième album, dont j'aimerais bien qu'on m'explique le titre et l'artwork, est dans la droite lignée des précédents, même si l'on essaiera certainement de vous dire le contraire, comme si le fait de changer la marque des cordes d'une guitare pouvait passer pour une renouvellement créatif ; revoir l'intégrale de la saison 5 de X Files une source d'inspiration nouvelle. Musicalement, on devra bien rattacher le groupe à ce que l'on pourrait appeler le "rock indé FM", qui est au rock ce que le zéro, au mieux le light, est au cola : une version édulcorée pour ceux qui veulent en consommer sans en consommer et qui s'avèrera probablement cancérigène, mais on ne s'en rendra compte que dans vingt ans, okay ?
C'est du rock, un peu pop, un peu punk-californien, si peu ; mais on l'aura compris : musicalement, c'est moins la musique qui semble compter que l'attitude – l'attitude de ceux qui veulent avoir l'air de l'avoir sans en avoir les conséquences. Façon pub de parfum. Parce que se rebeller pourrait être salissant, parce qu'être insoumis pourrait être fatiguant et impliquer de renoncer à un certain confort ; à un confort certain. We'd rather start a rock band, on porterait des jeans slim et ça devrait suffire (ce qui, étant donnée la mode actuelle pour les noms de groupes plus longs que la liste de leurs bonnes compo, pourrait se révéler une excellente suggestion). C'est ça le rock indé-FM.
C'est que le rock, ne l'oublions pas, est aussi un marché. We are scientists ne l'oublie pas et calibre un produit pour le plus grand nombre, qui n'a rien de désagréable mais manque cruellement d'ambition. Aucune importance puisque de toute façon vous finirez par les croiser sur un festival où vous serez peut-être bien venus entendre – non : voir (!) quelqu'un d'autre ; les autres, c'est eux, aussi, on vous l'a dit ; mais pour eux, c'est peut-être bien vous, public interchangeable. |