Tragédie
de Robert Garnier, mise en scène de Nada Strancar, avec
Joris Avodo, Julien Barret, Julien Bouanich, Sigrid Bouaziz,
Hadrien Bouvier, Manon Combes, Florent Dorin, Marie Kauffmann,
Yannik Landrein, Étienne Lefoulon, Barthélémy
Meridjen, Yasmine Nadifi, Pierre Niney, Mélodie Richard,
Fanny Santer, Laure-Lucile Simon et Tamaïti Torlasco.
Y a-t-il encore un public pour la tragédie à l'exception des latinistes, des hellénistes et des médiévistes ? Et y a-t-il encore des comédiens qui ont les moyens pour en jouer les personnages ? Questions dubitatives et vaines sans doute - point n'est besoin d'espérer pour entreprendre - qui ne découragent cependant pas les enseignants des écoles de théâtre et non des moindres.
Ainsi en est-il de Nada Strancar, belle tragédienne, professeur au CNSAD, qui, après Christian Schiaretti, metteur en scène et directeur du TNP de Villeurbanne, en 2009 avec ses élèves de l'ENSATT, présente, dans le cadre des représentations publiques des Journées de Juin 2010 dudit conservatoire, un tragique de la Renaissance avec "La Troade" de Robert Garnier.
Avec cette pièce en 5 actes qui narre les représailles contre
la descendance de Priam et d'Hector après la chute de Troie
afin de supprimer tous les éventuels bras armés d'une future
vengeance et les intercessions pathétiques de leurs mères, Robert
Garnier fait revivre, au 16ème siècle, la tragédie antique avec
ce qu'elle implique en termes thématiques de faits de guerre,
de raison d'Etat, du droit et de la justice, de sacrifice et
de vengeance.
A travers notamment les nombreux monologues que contient cette partition dont la durée excède deux heures, les élèves du CNSAD, les trois années confondues, se collettent à une langue versifié non intuitive et une grammaire ancienne truffée de chausse-trappes qui exige une technique totalement maîtrisée notamment en ce qui concerne les ruptures, les inflexions et les réaccentuations, exercice périlleux duquel le verbe magnifique de l'auteur, alternance de rhétorique, de lyrisme et pathétisme, de grandiloquence et de profusion baroque, ne sort pas indemne.
Dans un décor ostensiblement boltanskien, murs voilés de noir et enfilade de pierres tombales symbolisées par des amoncellements de vêtements, le jeu n'est pas, et ce peut-être volontairement, uniforme et si la sobriété l'emporte, par exemple, pour les interprètes des enfants sacrifiés, le personnage principal de Hécube, la veuve de Priam qui erre de douleurs en vitupérations, donne lieu à une débauche de congestion émotive dans laquelle rivalisent Manon Combes, Fanny Santer et Yasmine Nadifi.
Visage cramoisi, roulements d'yeux larmoyants, écume dégoulinante des lèvres, nez suintant, elles se tordent les bras, titubent comme des femmes ivres, hurlent, pour une belle douleur bien démonstrative. Un tel déferlement humoral n'est évidemment pas sans dommage pour le texte qui frise alors l'incompréhensible.
A l'issue de la réprésentation, se sont distingués nettement Mélodie Richard, Barthélémy Meridjen, Julien Barret et surtout Hadrien Bouvier, dans une prestation courte mais exemplaire, tous quatre élèves de la promotion sortante, ce qui est plutôt rassérénant pour leur professeur... et pour le théâtre. |