Troisième album, troisième franche réussite pour la formation parisienne Sons of Frida. Encore une fois autoproduit, leur Bulgarian LP, qui a aussi pour lui l'intelligence de la concision, confirme tout le bien que l'on pensait déjà du quatuor sur disque, tout en ajoutant à ses itinéraires des trajectoires un peu plus rèches encore, tout en continuant à cultiver l'abondance d'un son très plein, foisonnant.
De fait : ça commence comme du Don Caballero un lendemain de cuite, comme au milieu des choses, de ce type de chaos que certains groupes se plaisent à laisser exploser en fin de concert. Là, sans même une polie seconde de silence après que l'on a enfoncé la touche "play", "The street", certainement l'un des meilleurs titres de l'album, explose à l'oreille. La structure apparaîtra un peu plus loin, avec quelques lignes de chant, plutôt en obsession, répétitions, avant une nouvelle et violente embardée.
Parce qu'on y chante un peu plus, dans cet album, de voix folles, entêtantes / entêtées, désaxées, légèrement trop poussées (et comment : avec "Six and a half", on ira parfois jusqu'à songer au Nick Cave de From her to eternity chantant du Sonic Youth !). On y cultive aussi un goût plus marqué pour d'amples structures, des morceaux un rien moins "pop", si l'on pouvait oser le terme à propos d'une musique qui reste, fondamentalement, du post-rock, à la façon bruitiste et directe de ce non-genre, plutôt qu'à celle, hyper-mélodique, patiente et savante qui en est parfois devenue la caricature. On y retrouve aussi cette trompette fantomatique qui, tout en ayant le bon goût de n'être jamais omniprésente, fait une partie du son des Sons of Frida. Les influences, s'il fallait encore en citer, seraient certainement à chercher du côté de Slint, Sonic Youth, et peut-être même, dans l'esprit sinon dans la note, Current 93 et The Black Heart Procession. Mais l'on reconnaîtra surtout à Sons of Frida le mérite d'un univers sonore propre très développé.
L'autre point culminant de l'album restera probablement l'épique "Cut the house" (11 minutes au compteur, un peu plus du quart de l'album à lui seul), que l'on ne séparera pas des cinquante secondes du très hypnotique "Molly Spencer" qui l'annonce deux titres plus tôt et prépare (magnifiquement) l'auditeur à un pur moment de jubilation dans le retour de ce qu'il avait trouvé trop court. Sons of Frida atteint avec ce titre l'équilibre parfait de la tension dans la lenteur, de la répétition délicieuse plutôt qu'ennuyeuse, de l'explosion pertinente, évitant le tic risible de l'alternance sensuelle calme / tempête tel que l'auraient codifié saint Stuart Braithwaite et saint Munaf Rayani, de la montée imperceptible façon Efrim Menuck + Mike Moya. Une approche plus directe, frontale et, au total, un beau final pour un bel album. |