Quelle casse-pieds, Patti Smith ! En 75, elle a sorti Horses qui est rien moins qu'un des plus grands disques qui soit, une créativité fragile et inouie, des textes uniques, sortis de nulle part, un disque qui récompensait de toute l'horreur des années 70, la décennie bête, satisfaite, hard et progressive…
Un an après, c'est Radio Ethiopia, qui tentait plus ou moins bien de rendre en studio le chaos qu'était devenu le Patti Smith Band sur scène, rattrappé par ses suiveurs punks.
Puis, c'était Easter où Patti se calmait, volait à Springsteen "Because the Night", cartonnait comme seul le Boss sait le faire, laissait définitivement tomber le CBGB pour les stades de foot et les millions. Normalement, on n'aurait plus jamais du la fréquenter: elle était perdue pour la bonne cause.
Mais voilà qu'elle disparaît… Pas de nouvelles pendant quinze ans: elle élevait ses enfants (avec son mari, Fred Frith, ex MC5). Elle déclarait à l'occasion que le groupe avait tout dit, tout essayé, que l'excitation n'était plus là. On n'avait jamais vu ça, jamais rencontré une telle honnêteté.
Du coup, à son retour – les divas finissent toujours par revenir – quelle émotion! A l'Olympia, en 95, avec son vieil ami Tom Verlaine, guitariste de Television – les fans de tous âges pleuraient de joie. Et quel charisme! Voir Patti Smith sur scène aujourd'hui, c'est autant d'émotion qu'avec Hendrix, Joplin ou Morrison dans les années 60 : on est dans la catégorie "Légendes".
Qu'elle chante, danse, déclame ses poèmes ou tout simplement parle, c'est à vous et vous seul qu'elle s'adresse, elle vous connaît comme vous la connaissez. Les concerts sont même mieux qu'avant. Patti Smith vieillit bien…
Mais… pas sur disque… Patti Smith le disait recemment : "j'écris des poèmes pour moi et j'enregistre des albums pour le public". Gone Again, Peace and Noise, GungHo et aujourd'hui Trampin, c'est année après année, le même disque. Un beau son, une production bien clean qui lorgne encore du côté de Springsteen, des ballades country convenues, des mélopées interminables et l' incontournable morceau bruitiste. Cette fois-ci il s'appelle "Radio Bagdhad". Patti Smith a des opinions et n'a pas peur de les exprimer (même si son soutien à Ralph Nader n'est peut-être pas un vote très utile contre Bush…).
Difficile de repérer un morceau parmi d'autres. Le groupe essaye désespérement de retrouver ce qui faisait la force des premiers disques; sans effet: la magie n'y est plus. Les compositions sont pauvres. Lennie Kaye et Oliver Ray, les deux guitaristes, sont loin d'être des virtuoses, ils anonnent de pauvres riffs rasoirs…
Reste la scène au Bataclan les 6 et 7 juillet. Ou, pour les courageux, Brixton Academy à Londres le 3 juillet avec Television en première partie. Les deux groupes n'ont pas joué ensemble depuis leurs débuts au CBGB an 1975!