Comédie dramatique écrite et mise en scène par la Compagnie C7P, avec Chloé Bernadoux, Belén Cubilla, Éva Rami et Yann Coron à la guitare-voix. Composée essentiellement de jeunes comédiens issus de l'ESAD de Paris, la Compagnie C7P, qui, cette année, a présenté en ce même lieu le spectacle "Coco", d'après un texte inachevé de Bernard-Marie Koltès, propose dans le cadre de la 1ère édition du Festival Summerloge placé sous le thème "Monstres et métamorphoses" une création collective intitulée "Christine L." qui entend aborder le mythe de Médée à la lumière de cas contemporains d'infanticides.
Médée, figure au demeurant polymorphique dans la tragédie antique, est souvent réduite à l'image "anecdotique" de la femme trahie qui se venge de son mari en tuant leurs enfants alors qu'elle est aussi, et surtout, une femme qui change d'humanité en se métamorphosant au prix d'un acte, certes, épouvantable en héroïne mythique affranchie des lois humaines. Par ailleurs, la psychanalyse l'a érigée en "complexe de Médée" fondé sur "le désir inconscient de châtrer le père... en écho à sa propre castration inassumée c’est-à-dire l’impossibilité de s’assumer comme femme".
Cela étant, l'intelligence et l'intérêt du spectacle créé et interprété par Chloé Bernadoux, Belén Cubilla et Eva Rami réside dans le fait d'avoir évité l'écueil d'une "revisitation" démonstrative pour y préférer une proposition réflexive sur la problématique contemporaine de la féminitude.
Dans un registre qui mêle habilement l'hyper-réalisme burlesque et le surréalisme du quotidien, elles incarnent trois diffractions de la figure féminine face à l'image sociétale induite ou patente qui, dans un siècle caractérisé par la perte des repères, la quête de valeurs, une certaine éloge de la vacuité et de l'éphémèréité et le diktat de l'épanouissement personnel, place la femme en face d'impasses métaphysiques.
La femme, atteinte de logorrhée verbale, inexpressive ou bloquée dans un cri munchien, affronte, de manière chaotique et quasi délétère - ce qui n’est pas antinomique avec une composante d’onirisme poétique - les différents rôles multitâches qui lui sont naturellement dévolus et officiellement assignés : la gardienne du foyer familial victime du consumérisme ménager, la femme comme objet sexuel toujours séduisant et la mère face à une fonction reproductive à la carte.
S’agissant de la maternité, la science médicale aboutit à une véritable réification de l'enfant, objet de désir (avoir un enfant à tout prix) mais aussi de refus (s‘en débarrasser et à cet égard la scène de la femme enceinte qui se perce le ventre-baudruche est significative) qui n’est pas sans retentissement psychique.
Le travail des trois comédiennes, qui témoigne d’un univers scénographique très personnel, est absolument roboratif car totalement iconoclaste et véritablement ancré dans le présent.
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