La discographie de Will Oldham est importante. En vingt ans, le chanteur américain a sorti une quarantaine de disques, c’est-à-dire en moyenne deux par an, sans compter ses nombreuses collaborations musicales (par exemple avec le groupe de post-rock Tortoise). Son premier album, ce chef-d’œuvre de noirceur sans fond qu’est There is no one what will take care of you (1993), est un album de country dont la sécheresse et la lente mélancolie marquent le style du chanteur. Malgré les différents noms sous lesquels Oldham sort ses disques – Palace Brothers, Palace Music, Palace, Bonnie 'Prince' Music, Bonny Billy – ses chansons suivent une même continuité, par l’espace (de sécheresse donc) qu’elles créent, par leur lenteur, par leur complexité.
Ce nouveau Bonnie 'Prince' Billy, The Wonder Show Of The World, a été enregistré l’année dernière avec The Cairo Gang (c’est-à-dire le musicien Emmett Kelly). Ces nouvelles chansons se donnent difficilement ; plusieurs écoutes sont nécessaires pour commencer à les habiter. C’est d’ailleurs ce qui fait la force de ce disque : il exige d’abord un long temps d’écoute.
A ce propos on pourrait classer la musique en deux catégories : celle qui dévoile tout tout de suite – à partir du moment où quelque chose est à dévoiler −, qui épuise ses ressources dès les premières écoutes, pour ensuite s’appauvrir progressivement ; et celle qui se donne difficilement, dont le sens réel apparaît par étapes, se précisant à chaque écoute. Dans le premier cas, il s’agit d’une musique consumériste, qu’une grande partie de la production musicale favorise ; le deuxième cas concerne ce qu’on pourrait nommer une "musique d’auteurs", un peu comme le cinéma d’auteur : une musique qui donne à penser, qui invente de nouvelles formes, qui propose de nouveaux concepts, ou qui se contente d’améliorer, d’approfondir, ce qui aura déjà été pensé.
Bonnie ‘Prince’ Billy fait partie de cette deuxième catégorie : il suffit d’écouter des titres comme "Teach Me To bear You" ou "That’s What Our Love Is", pour s’en convaincre. Laissez cette musique venir à vous ; faites le serment de l’effleurer et non de l’empoigner – et alors elle vous livrera ce qu’elle est, ce qu’elle consent à être, progressant vers vous à l’allure qui est la sienne, parfois sur un mode vivace, parfois sur un mode lent. Il faut résister au easy-listening. |