"Ma voix est bien plus claire si je reste cachée dans le noir", "Je suis un peu timide et je rougis souvent, peut-être oublieras-tu tout ça si tu fermes les yeux quand je chante". "Si tu ne l'aimes pas, j'aimerais que tu le dises" ("Ma mélodie").
Je t'assure, Louise, que j'aime ta chanson et ta voix. La discrétion en fait le charme. Sur la pochette, tu rejettes tes cheveux en arrière. En synergologie, ce geste qui permet de montrer le visage est interprété comme un geste de séduction, un geste de parade amoureuse. Mais tu le fais les yeux baissés, comme honteuse. Il n'y a pas de raison.
Bien au contraire, le disque que tu as réalisé avec tes amis est doux, il apaise et transporte l'auditeur. On y entend les lames d'un plancher qui grince, les crépitements d'un feu, le son de la pluie sur les feuilles, le vent au-dehors. On est bien dans ce disque enveloppé d'arrangements soyeux et d'un voile de poésie mélancolique. Cependant, tout n'est pas d'une si évidente normalité, et cet univers bascule doucement dans une ouate étrange.
Cours Lapin est un groupe danois dont les ambiances rappellent les arpèges du portugais Rodrigo Leão & Cinema Ensemble. Louise Alenius chante en français avec un doux accent. Les quatre membres du groupe sont tous compositeurs de musique de film, la presse anglaise les a présentés comme au croisement des univers de David Lynch et de Tim Burton. En effet, comme chez Lynch on retrouve un univers de plus en plus décalé sous des abords classiques au départ. Comme chez Burton, la mort rôde et lorsqu'on croise des animaux, il s'agit d'escargots dont on écrase la coquille, ou de lapins transpercés par une flèche.
Un autre chanteur, jadis, a interprété des textes en français alors que ce n'était pas sa langue d'origine, des poèmes empreints de mystère qu'il avait lui-même écrit. Ce chanteur, c'était Jean-Jacques Burnel, d'abord avec les Stranglers ("La folie"), puis sur un album solo étonnant (Un jour parfait). Cours Lapin creuse le même sillon que Burnel : européen, envoûtant, des textes fantomatiques nimbés dans un clair-obscur soyeux.
Un disque qui exige qu'on aille le braconner, mais on ne regrettera pas d'avoir quitté les chemins tout tracés pour prendre ce Cours Lapin à son gibet. |