L'ancien chanteur de Chokebore, le mythique Troy Von Balthazar, revient avec un grand disque malade. Voix blanche, arrangements étranges de boucles de sons distordus pour ouvrir cet album sur "CATT". Pas de guitares saturées ici qui risqueraient de faire mal au crâne après un réveil difficile. En même temps, Troy s'éloigne du folk minimaliste qui l'avait un temps tenté.
Ce n'est pas juste un rhume, le mal est plus profondément ancré, une nausée qu'on traîne, des céphalées traîtres et quelques crises d'urticaire.
Le propos est abrupt, le mal toujours présent, les mélodies parfois bancales. L'œuvre est fragile, parfois en voie de convalescence ("To a girl with one wing gone", "My diamond brain"), parfois au fond du trou ("In limited light", "The Tigers").
Troy Von Balthazar se livre sans pudeur. Son mal-être est contagieux. XX ou Editors ont saisi la forme de ce qu'était le début de années 80, mais c'est dans ce disque qu'en est distillé l'esprit, la mélancolie gluante, la grisaille sans griserie.
Troy Von Balthazar est un baladin, un saltimbanque. Regardez-le marcher sur un fil. Toujours en mouvement, entre deux villes, entre deux pays, entre deux labels, il vit désormais en Europe. Originaire de Hawaii, c'est lorsque l'empire européen sombre lentement, que la crise économique s'installe, que les peuples applaudissent les déclarations cyniques des riches et des puissants, que Troy Von Balthazar s'installe au chevet du "vieux continent". L'environnement est propice. Il écrit de manière compulsive, compose et chante pour évacuer ce mal qui ronge.
Sur la pochette, le masque de lapin rappelle Frank, le personnage interprété par James Duval, dans Donnie Darko. How to live on nothing dégage le même mystère, la même poésie malsaine que le film. Il est tout autant traversé des tourments inconscients de l'enfance et du désordre mental.
How to live on nothing est l’œuvre brute et noire d'un artiste qui ne s'apitoie pas sur lui-même, mais s'observe sans s'abuser, qui dresse le constat d'un dialogue rompu, donne la séparation comme déjà acquise et enfonce des mots imparfaits dans un oubli où se réalise l'échange entre la folie et la raison. Quelqu'un de sensible, vulnérable qui traduit le monde nébuleux qui l'entoure par des mélodies toxiques. Un disque difficile, mais qui s'instille comme un lent poison. |