On pouvait excuser Interpol de leur faible prestation au Stade de France, en première partie de U2 : leur timidité et immobilisme passaient facilement sous le prétexte d'avoir été jetés dans la fosse aux lions en guise d'amuse-bouches.
On a beaucoup plus de mal cependant à leur pardonner leur concert quelques jours plus tard à Lille. Ils avaient tout pour eux : une salle pleine à craquer de fans déjà conquis, un tout nouveau système de sonorisation au sein de l'Aéronef, aucune première partie pour leur voler la vedette. Pourtant, ce ne sont que des ombres qui sont apparues sur scène, faible souvenir d'un groupe qui aurait pu emmener son public bien loin...
Est-ce la faute de leur nouvel album éponyme, triste preuve pour certains que leur nom est à enterrer ?
Tout n'est pas à y rejeter pourtant : "Lights" par exemple, révélant toute sa splendeur sur scène, évoque la grandeur que le groupe aurait pu atteindre. Hélas, cette pièce semble être la seule qu'on retiendra, tant les autres morceaux ne font pas écho dans la salle.
Les ballades lassantes et monotones ne prennent pas auprès du public, baromètre de leur faible efficacité, qui écoute poliment ces pâles interprétations en n'attendant qu'une chose : reconnaître les premiers accords des anciens morceaux qui ont donné leurs lettres de noblesse à Interpol.
En est pour preuve l'engouement de la foule pour "Obstacle 1", "Evil" ou encore en belle surprise "Leif Erikson" : de ces morceaux qu'on espérait tant un jour redécouvrir sur scène. Malgré toute l'émotion qu'on peut ressentir en voyant les artistes les jouer, on ne peut hélas s'empêcher de les trouver fades, si fades...
Daniel Kessler à la guitare essaie bien de rattraper l'immobilisme de ses partenaires, mais cela ne les empêche pas de donner à voir un bien triste spectacle. Des silhouettes immobiles dans l'obscurité, des fantômes statiques en contre-jour, un "bonjour-merci-rappel-au revoir" sans chaleur ni proximité... Même si le groupe n'est pas une bête de scène, on ne peut s'empêcher de se sentir exploité par son nom, pris au piège entre le set trop court, trop distant, et les affiches insistant en direction du stand de merchandising.
Reste la voix de Paul Banks, envoûtante, irréelle, pour prendre encore un peu au coeur et faire vibrer, pour se dire qu'Interpol aurait pu devenir tellement plus encore. On pourra certes dire "Je les ai vus, j'y étais", mais on s'y est déjà pris trop tard ; une fois rentrés, on se contentera d'augmenter un plus que d'habitude le volume sur "Turn on the bright lights", histoire d'estomper ses regrets. |