Tragi-comédie écrite et mise en scène par Claudio Tolcachir avec Araceli Dvoskin, Miriam Odorico, Inda Lavalle, Lautaro Perotti, Tamara Kiper, Diego Faturos, Gonzalo Ruiz et Jorge Castaño.

Depuis la tragédie antique, la famille pathogène et psychotique est un thème récurrent qui alimente tous les registres théâtraux. Décliné dans celui de la tragi-comédie, il prend, et ce, sous toutes les latitudes, des allures de maelstromique farce burlesque quand il pénètre le microcosme des familles modestes particulièrement défavorisées, et pas uniquement sur le plan matériel.

Ainsi, les frasques de la famille argentine sujet de "Le cas de la famille Coleman" dispensé par la troupe de Timbre 4 menée par Claudio Tolcachir, qui en a assuré l'écriture et la mise en scène, ne sont pas sans rappeler, par exemple, celles de la famille russe de "Semianyki" créé par le Teatr Licedei qui s'est taillé un beau succès en ce même Théâtre du Rond-Point.

Pour reprendre le titre d'un film de Ettore Scola, passé dans le langage courant, qui immergeait le spectateur dans la vie quotidienne d'un bidonville romain, les membres de cette famille sont "affreux, sales et méchants". Handicapés de la vie, pathétiques, égoïstes, ils macèrent dans le nid-bouillon de culture d'une famille dépourvue même du sens élémentaire de la solidarité familiale. Quant à l'amour, et bien ce n'est pas parce qu'on est pauvre qu'on s'aime davantage. Frénétiques alors ils n'ont rien à faire sauf à se traîner du matin au soir, ils sont logorrhéiques alors qu'ils n'ont rien à se dire sinon des insanités.

Une famille brinquebalante dont la grand-mère constitue le point d'ancrage et dont la pension entretient chichement sa fille, débile légère mais suffisamment malicieuse pour se laisser vivre et tirer partie de ses "faiblesses" et ses trois petits enfants, un demeuré, un vaurien alcoolique qui traficote et une dépressive qui assure les tâches domestiques et un petit appoint financier en vendant des fripes bricolées.

Entre naturalisme à la Zola, car il ne semble pas y avoir de happy-end possible, surréalisme à la Copi et hyper-réalisme de télénovelas, Claudio Tolcachir a écrit une farce cruelle et jubilatoire à l'humour parfois noir sur une famille régressive et destructrice qui a engendré de véritables monstres.

La satire est féroce mais le jeu des acteurs tous remarquables, avec un coup de coeur pour Araceli Dvoskin et Miriam Odorico, respectivement la grand-mère et la mère, leur apporte ce supplément d'âme qui leur apporte des éclairs d'humanité.