Micah P. Hinson sur la scène du Théâtre Marigny, c'est un peu comme un éléphant dans une boutique de porcelaine. Un cheveu sur la soupe. Un ex à ma soirée d'anniversaire.
Avec ses grosses Nike bleues, sa chemise à carreaux, ses bretelles et son jean délavé, le trublion se qualifie lui-même de clown. C'est sûr qu'on a plutôt tendance à l'imaginer au Café de la Danse que sur une scène des Champs Elysées.
On est d'ailleurs loin du show de 2009 où on l'avait justement découvert dans le cadre d'une soirée Eldorado Club. Le songwriter y apparaissait seul avec sa guitare devant un public d'initiés, sur une scène à sa mesure, humble mais de qualité.
Aussi, on se demande qui sont les gens qui composent le public de ce soir : endimanchés (c'est le cas de le dire), guindés. Des fans déguisés pour l'occasion ? Des abonnés aventureux du Marigny ? Quelle surprise quand mon voisin de siège me demande de baisser le son de mon appareil photo... (quiconque a déjà utilisé un réflex comprendra mon étonnement). Toujours est-il que la salle est loin d'être comble et que certains la quittent avant la fin du spectacle.
On ne peut pas plaire à tout le monde ! Et c'est tant mieux. Les quelques irréductibles que nous sommes en prennent plein leurs oreilles, dans une ambiance recueillie, privilégiée.
Pas question pour autant de sacrifier sa personnalité. Le zig, lui, est le même. Pas impressionné pour un sou, toujours drôle et irrévérencieux. Il fume, enchaîne les "fuck" et les anecdotes sur son grand-père (qui dissuadait le futur prof qu'il était de faire de la musique), ses amis alcooliques et cocaïnomanes (morts...), évoque sa femme, qui montera d'ailleurs sur scène pour l'accompagner sur un morceau. On trouvera l'épisode, au choix, émouvant (ce qu'ils ont l'air amoureux !) ou inutile (on entend à peine le chant susurré de la jeune femme).
Tantôt seul, tantôt accompagné de musiciens (trois violonistes, un violoncelliste), sa guitare toujours en bandoulière, le crooner est pour le moins... décalé. Et pourtant la mayonnaise prend.
Entre folk et country, tel un Johnny Cash fantasque, il raconte sa souffrance, sa vie dissolue, ses rencontres, les personnages atypiques qui peuplent son imaginaire et sa vie. C'est aussi ce qui participe de son charme : sa propension à raconter des histoires de son Amérique natale, avec ce qu'il faut de vécu pour rendre la chose attachante. Mais sous sa bonhommie se cache un personnage sombre, bouleversant. Et étrangement drôle, hors du commun.
Il alterne des titres de son dernier album (Micah P Hinson & the Pioneer Saboteurs, sorti en 2010) et de ses précédents opus. Sa voix est toujours intense, ses morceaux profonds et mélancoliques.
Et l'on passe par tous les états : le rire, la tristesse. On chante et on déchante. Alors certes, le show n'est pas parfait. Sa mémoire lui faut défaut : il peine à retrouver les accords de "Seven horses seen" et après deux tentatives, finit par abandonner. Ses interprétations sont parfois approximatives. D'ailleurs, il ne s'en cache pas : "I've never said I was perfect, I've never said I was a professional". Et après ? Et ce n'est pas, justement, pour ce genre d'aspérités qu'on aime les gens ? Car malgré elles, le tout s'enchaîne à merveille et on ressort enchanté. Alors thank you fucking much Micah ! |