Réalisé
par Benjamin Heisenberg. Allemagne. Drame.
Durée : 1h30. (Sortie 10 novembre 2010). Avec Andreas Lust, Markus Schleinzer et Wolfgang Kissenzel.
Depuis une dizaine d’années, on annonce régulièrement l’arrivée d’une "nouvelle vague" allemande prête à prendre la relève des cinéastes de la grande période des années 1970-1980 où les Fassbinder, les Wenders, les Herzog et les Schlöndorff avaient permis à toute une génération de réalisateurs d’éclore.
Benjamin Heisenberg fait partie de ces jeunes réalisateurs ambitieux qui ne cherchent pas forcément à illustrer de grandes pages de l’histoire allemande, comme le nazisme ("La Chute"), ou la réunification ("Good Bye Lénine"), mais essaient d’inscrire leur cinéma dans le monde actuel sans viser pour autant au réalisme.
Dans "Le Braqueur", il ne sera donc ni question de se confronter à la grande Histoire ni de s’attacher à une réalité sociologique en étudiant un milieu social. Même s’il s’appuie sur une "histoire vraie", Heisenberg ne cherche pas à expliquer pourquoi un homme emprisonné pour braquage n’a de cesse de replonger dans son activitédélinquante une fois libéré. Il ne lui trouve ni excuses ni justifications et se contente de le décrire dans sa fuite en avant criminelle qui prend la forme d’un mouvement dialectique presque métaphysique entre courir et braquer.
Qu’est-ce qui fait qu’un braqueur devenu champion de marathon, ayant la possibilité d’une nouvelle vie, ne peut s’y résoudre et gâche amour et liberté pour le frisson extrême que lui procurent des attaques de banques de plus en plus audacieuses ?
On ne le saura jamais, mais on accompagnera pas à pas Andreas Lust dans une dérive pathétique, une espèce de suicide à retardement menée tambour battant par Benjamin Heisenberg. On aura beau se dire qu’on est face à un personnage presque christique qui court fatalement à sa perte, on n’en finira pas d’espérer qu’il y a un ailleurs, une échappée possible pour cet homme seul, moderne croisement d”Alain Delon dans "Le samouraï" et de Sylvester Stallone dans "Rambo". Mais le réalisateur choisit heureusement la logique d’une chasse à l’homme si inexorable qu’elle atteint les sommets du genre. Rarement on aura vu quelqu’un user d’une telle énergie pour survivre, une énergie égale à celle qu’il aura auparavant utilisé pour mourir symboliquement.
À l’issue de cette aventure aussi étrange qu’inexplicable, on sortira étonné, presque sonné, par ce qu’on vient de voir et de vivre. Loin du film de genre que semblait annoncer son titre, "Le Braqueur" est une oeuvre d’une grande ambition. Heisenberg, en dressant le portrait d’un homme nu, absolument et totalement nu, en aura fait l’expression ultime de la condition humaine. |